S’expatrier, immigrer, partir, fuir… Une multitude de mots mais une question centrale: pourquoi part-on? Comme la plupart de celles et ceux qui choisissent d’aller vivre ailleurs, Anaïs Gachet s’est posée cette question. Et elle y a répondu en livre. Cette Française, qui vit au Québec depuis plus de dix ans, publie Du coup, j’ai fui la France, un ouvrage entre essai et récit autobiographique.
Aujourd’hui âgée de 35 ans, Anaïs Gachet est désormais citoyenne canadienne. Ce qui n’empêche pas les questions sur son identité. Est-elle immigrée, expat ou aventurière? Dans ce premier livre, elle s’interroge sur ce voyage, qui questionne nos racines autant que notre rapport aux autres.
Écrire a été un moyen pour Anaïs Gachet d’aider ses proches restés en France à comprendre les raisons de son choix. « Ça n’a pas été facile pour eux d’accepter que je parte, et que je reste surtout », confie l’auteure avant d’ajouter: « Je pense qu’il y a un fossé entre les générations. J’essaie de créer un pont et réduire ce fossé pour qu’on se comprenne mieux, qu’ils comprennent mieux ma perspective, mon expérience. »
Issue d’une famille d’immigrants, elle met en perspective sa condition d’expatriée en évoquant ces générations pour qui l’émigration n’a pas toujours fait l’objet d’un choix. Elle conte ainsi l’histoire de ses arrière-grands-parents et grands-parents (originaires de Russie et d’Italie) qui continue d’accompagner ses réflexions.
Fuir. Si le titre peut sembler excessif à première vue, c’est l’effet souhaité par l’auteure. « Je crois que c’est mon côté provoc’ », plaisante Anaïs Gachet avant d’ajouter qu’elle souhaite ainsi « provoquer une réflexion chez le lecteur ». Inspirée par l’Éloge de la fuite de Henri Laborit, elle a choisi de se réapproprier ce qualificatif afin de décrire son départ pour le Québec de la manière la plus « honnête et transparente » possible.
« On a beau se définir nous-mêmes, on est souvent victimes de ce que les gens projettent sur nous », affirme Anaïs Gachet qui écrit dans son livre se sentir ni complètement québécoise ni plus totalement française. Si des éléments du quotidien continuent de lui faire sentir qu’elle est étrangère, cette altérité, dit-elle, est de plus en plus assumée: « Plus j’avance, plus j’ai l’impression que c’est moins l’extérieur qui me le fait ressentir et plus moi qui le ressens. »
En parallèle de ses projets littéraires, l’auteure a fondé et dirige une compagnie de street dance montréalaise. Si de nombreux Français au Québec se voient quotidiennement renvoyés à leur statut d’Autre, l’auteure confie être relativement épargnée dans le milieu culturel: « Je me retrouve aujourd’hui plus rarement confrontée à cette espèce d’altérité parce que j’évolue dans un milieu où il y a beaucoup de diversité. »
Au fil de ses réflexions, Anaïs Gachet apprend à voir sa double identité comme une force: « C’est une chance de pouvoir se dire qu’on a deux chez soi, deux nationalités. »
Partie de l’intuition qu’elle n’était pas seule avec ses questionnements, Anaïs Gachet a souhaité s’adresser à ceux qui vivent une situation similaire à la sienne. Opération réussie, de nombreux lecteurs se sont dits concernés par son récit: « Ce qui me fait le plus plaisir, c’est d’entendre des personnes dire qu’ils s’y retrouvent. Il y a toujours un truc qui vient les chercher. Chacun se lie différemment à mon récit. »
Ce premier ouvrage est la première étape du parcours littéraire d’Anaïs Gachet. « C’est comme si j’avais eu besoin d’écrire ce premier livre pour passer à autre chose, il fallait que je sorte des choses de moi », confie l’auteure qui, soutenue par le Conseil des arts du Canada, travaille en ce moment sur un projet de fiction.
« Du coup, j’ai fui la France » est disponible dans les librairies du Québec et à la Librairie du Québec à Paris. Il est également disponible en ligne sur le site de la maison d’édition Hashtag.