‘‘D’où viens-tu ?’’. À cette question, Djamilla Toure, née en Côte d’Ivoire, de nationalité française et ayant vécu 10 ans au Maroc, ne sait pas comment répondre. ‘‘Mon identité est au centre de trois cultures, trois modes de vies différents’’, explique la jeune femme de 22 ans. C’est de ce questionnement identitaire qu’est née en 2015 l’idée de Sayaspora, une plateforme bilingue visant à mieux représenter les femmes issues de la diaspora africaine dans les médias.
‘‘J’ai grandi dans un environnement où les médias ne représentaient pas les femmes africaines: les femmes qui entreprennent, qu’on connait, mais qu’on peine à prendre pour modèle puisque leurs histoires ne sont pas relayées dans les médias.’’ Au travers d’articles, Sayaspora met donc en avant les expériences, réussites et défis que peut rencontrer la jeunesse de la diaspora africaine.
Arrivée en tant qu’étudiante à l’UQAM en 2014, elle a décidé de se lancer dans cette ville ‘‘beaucoup plus multiculturelle que Casablanca : à Montréal, ma couleur de peau n’est pas une aussi grande barrière qu’ailleurs.’’ Pour lancer ce projet d’envergure, Djamilla Toure était bien entourée. ‘‘Je ne voulais pas lancer la plateforme seule car je voulais pouvoir représenter l’Afrique toute entière. Nous avons créé cette plateforme collaborative avec cinq ambassadrices originaires des quatre coins du continent Africain : Rydia Sesay de la Sierra Leone, Shana Musimbe du Zimbabwe, Aurore Iradukunda du Rwanda, Dorra Bannouri de la Tunisie et puis finalement, moi, originaire de la Côte d’Ivoire ! ’’
‘‘Etre une femme, africaine qui plus est, dans le monde entrepreneurial n’est pas simple’’
‘‘Aujourd’hui, 18 000 personnes suivent le mouvement sur les réseaux. Même si nous ciblons les gens issus de la diaspora, nous avons des lecteurs du monde entier !’’, s’enthousiasme la jeune femme. Loin de se contenter du succès de la plateforme, les collaboratrices ont organisé “Diaspora Speaking”, des événements visant à regrouper la communauté. Ces forums avec conférences, expositions d’oeuvres d’art et DJ, permettent de célébrer l’apport de la jeunesse africaine. ‘‘C’est parfois compliqué de trouver des locaux pour nos événements. On s’adresse à une communauté particulière et cela peut être perçu comme un besoin communautaire. Mais il est nécessaire que nous nous retrouvions pour permettre une meilleure intégration, une meilleure ouverture à l’autre.’’
Etre une femme, dans le monde de l’entreprenariat ? “Ce n’est pas simple. Ça l’est encore moins si on est une femme africaine.’’ Pour se faire une place, ces femmes doivent surmonter de nombreux défis. ‘‘Pour moi, le principal problème vient du manque de crédibilité accordé aux femmes immigrantes entrepreneuses, même si leurs projets sont parfaitement réfléchis. L’absence de plateformes promouvant leurs projets est également un frein au développement de leurs entreprises.’’
Les projets pour la plateforme ? ‘‘Nous voulons stabiliser Sayaspora comme un pilier reconnu auprès des instances montréalaises. C’est comme cela que nous pourrons amplifier les voix de la jeunesse immigrante de Montréal.’’ En attendant, Sayaspora est toujours conduit de A à Z par des bénévoles : ‘‘Toutes nos collaboratrices bénévoles se démènent sur leur temps libre pour donner de la visibilité à toutes ces jeunes femmes talentueuses !’’