Tout comme le métier d’infirmière ou d’architecte, le métier d’ingénieur est réglementé par un ordre professionnel provincial : l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ). Autrement dit, même si vous étiez ingénieur dans votre pays d’origine, vous ne pouvez pas vous présenter comme tel dès votre arrivée. Heureusement, il est possible de devenir membre de l’OIQ, même avec des études complétées à l’étranger. Voici la marche à suivre.
Accord entre la France et le Québec
L’Arrangement de reconnaissance mutuelle (ARM) entre la France et le Québec facilite grandement le parcours d’équivalence pour la plupart des diplômés français en génie – le terme utilisé au Québec pour désigner l’ingénierie.
Dans un premier temps, les diplômés visés par l’ARM peuvent soumettre leur dossier à l’OIQ pour obtenir un permis restrictif temporaire (PRT). Ce permis permet de travailler en génie et d’utiliser le titre « ing. PRT », à condition d’être supervisé directement par un ingénieur de plein titre.
Une fois le PRT obtenu, le candidat doit compléter trois volets :
1. Le volet théorique : quatre blocs de formation en ligne de 25 à 30 heures chacun, et un examen professionnel de trois heures. L’examen peut être passé à différents moments de l’année et dans plusieurs villes. Il porte sur l’éthique, la déontologie, les normes professionnelles, le rôle de l’ingénieur, ainsi que sur les lois et règlements applicables.
2. Le volet pratique : le titulaire d’un PRT doit accumuler 24 mois d’expérience, en combinant son expérience acquise en France et celle réalisée au Québec, toujours sous la supervision d’un ingénieur.
3. Le volet linguistique : le candidat doit démontrer sa maîtrise du français. Les documents fournis lors de la demande suffisent généralement à prouver ce niveau.
Une fois ces étapes franchies, le candidat peut s’inscrire à l’OIQ et obtenir le titre officiel « ing. ». Selon l’Ordre, le processus dure en moyenne un an et demi.
Pour faire une demande de PRT et passer l’examen professionnel, le candidat doit débourser 735 $. À cela s’ajoutent 345 $ pour les quatre blocs de formation.
Retour d’expérience
Aline Sysavath, diplômée en 2004 de l’INSA Val de Loire (qui s’appelait à l’époque l’ENSI de Bourges), spécialisée dans la gestion des risques industriels dans le domaine des transports, est passée par ce processus.
En 2017, elle vient s’installer au Québec avec son mari et leurs trois enfants pour mettre sur pied une filiale canadienne du groupe français Sector, un bureau d’études spécialisé dans la maîtrise des risques.
Elle ne savait pas, en arrivant au Québec, qu’elle devrait faire reconnaître son diplôme pour pouvoir porter le titre d’ingénieure. En France, ce titre est protégé – il est délivré uniquement par une école d’ingénieur reconnue par la Commission des titres d’ingénieur – mais il n’est pas encadré par un ordre professionnel comme c’est le cas au Québec.
« Très vite, on s’est rendu compte que c’est quand même une marque de professionnalisme, de qualité et d’expertise qui est reconnue ici et dont on a vraiment besoin dans ce secteur, se souvient-elle. Comme responsable technique, c’était évident qu’il fallait que je sois la première à aller récupérer le titre.»
Pour la partie pratique, elle sera accompagnée pendant un an par un consultant de son entreprise. Celui-ci veillera à ce qu’elle acquière toutes les compétences nécessaires au métier : savoir-faire technique, travail en équipe, gestion de projet et communication.
« Pendant un an, on se rencontrait tous les deux mois pour faire un point sur mes projets, pour vérifier mes compétences et pour que je lui pose mes questions, qu’elles soient techniques ou réglementaires », illustre Aline Sysavath.
Elle obtient finalement le titre d’ingénieure en 2020, trois ans après son arrivée.
Équivalence facultative, mais avantageuse
Si l’équivalence n’est pas obligatoire pour exercer le génie au Québec, elle présente toutefois plusieurs avantages, souligne Aline Sysavath. D’abord, elle lui a permis d’acquérir des notions d’éthique et de déontologie qu’elle n’avait pas nécessairement en tête avant son arrivée, mais aussi de mieux comprendre les limites de la profession.
Avec l’expérience, elle a également constaté que sa voix serait davantage entendue et prise au sérieux une fois le titre officiel obtenu.
« Cela dépend de la culture de l’entreprise, mais certaines donnent un bonus financier à ceux qui obtiennent leur titre, pour les encourager, remarque-t-elle. Généralement, si [on a le titre d’ingénieur], les échelons sont différents, donc au niveau du salaire et de la position [c’est mieux].»
Si vous n’êtes pas diplômé de France, l’Accord de Washington facilite le processus pour les diplômés issus d’une vingtaine de pays, comme l’Afrique du Sud, les États-Unis ou la Turquie, entre autres. Pour les personnes titulaires d’un diplôme de premier cycle en génie obtenu dans un pays sans entente avec le Québec, ou d’un diplôme en sciences pures, en sciences appliquées ou en technologie, le dossier fera l’objet d’une analyse individualisée. Mais l’équivalence demeure tout à fait accessible.
