Saint-Hippolyte, Saint-Eustache, Saint-Hyacinthe…Vous l’avez sans doute remarqué, de nombreuses villes au Québec portent le prénom d’un saint ou d’une sainte, et souvent atypique ! Michel Dahan, doctorant en histoire à l’Université de Montréal, revient sur les raisons de cette toponymie particulière.
Si les cartes routières du Québec ressemblent à un calendrier, c’est à cause de l’histoire municipale. “Au Québec, les municipalités sont incorporées au 19ème siècle, à partir de 1845. Alors qu’en France la structure est plus ancienne“, rappelle Michel Dahan. L’Acte des municipalités et des chemins du Bas-Canada, l’ancêtre direct du Code municipal, est adopté en 1855.
Ce système, proposé par Louis-Hippolyte La Fontaine, prévoit que toutes les paroisses doivent être incorporées en municipalités. “Concrètement, la paroisse devient commune si elle est sur un territoire de plus de 300 habitants dans les régions à dominante catholique“, précise l’historien. Dans les régions à dominante protestante, les cantons sont érigés en municipalités. “Ce qui explique que des dizaines et des dizaines de communes portent encore un nom de saint“, ajoute le spécialiste.
Des communes qui ont, pour la plupart, gardé leur noms, car contrairement à la France, “le pourcentage de la population anticléricale a toujours été faible, et ce même pendant la révolution tranquille.”
Quant aux prénoms atypiques des saints et saintes, il y a aussi une raison. Michel Dahan travaille spécifiquement sur la circulation des reliques importées d’Europe jusqu’au Canada. Et justement, tout est lié. “Au Québec, il n’y a avait pas de saints locaux avant les premières canonisations vers 1930. Alors les paroisses ont fait venir des reliques d’Europe.”
Or il était difficile de se procurer les reliques des saints les plus connus. Alors le Québec a plutôt “importé” celles des premiers chrétiens martyrs, plus faciles à acquérir car trouvées dans les catacombes. Par exemple, en 1845, on fait venir directement de Rome les reliques de Saint-Zotique, qui donnera son nom à la commune, et même après à une célèbre rue de Montréal.
“Outre la volonté de se mettre sous la protection d’un Saint, au Québec, on note aussi la volonté de ne pas multiplier les paroisses qui portent le même nom“, note le doctorant. Mais aussi, derrière le nom d’un saint, se cache parfois un autre personnage. “On trouve parfois la volonté d’honorer le curé fondateur de la paroisse“, explique Michel Dahan. Comme la commune de Saint-Joseph-de-Kamouraska, nommée d’après son premier ecclésiastique. Certains territoires, comme Saint-Hyacinthe, porte le nom du seigneur de l’époque, Jacques-Hyacinthe Simon de Lorme, fondateur de la ville au 18ème siècle.
Des hommages qui se déclinent aussi au féminin. “Certaines femmes, mères ou filles de seigneurs locaux sont aussi honorées de cette façon“, ajoute l’historien. Sainte-Sophie tiendrait donc son nom de Marie Geneviève Sophie Masson, l’épouse de Joseph Masson, seigneur de Terrebonne au début du 19ème siècle.
Dans les années 1960, le gouvernement a souhaité réduire le nombre de communes pour des raisons administratives. Ainsi, la ville de Laval est issue de la fusion, en 1965, des villages de Sainte-Dorothée, Sainte-Rose-de-Lima, Saint-Martin, Saint-François de la Salle et Saint-Vincent-de-Paul.
Si aujourd’hui, les nouvelles communes ne s’inspirent plus de la religion, c’est tout simplement pour suivre l’air du temps. “À chaque époque, les communes et rues prennent des noms qui sont importants pour les contemporains“, explique Michel Dahan. Bientôt une commune @MauditsFrançais ? Qui sait !