Au Québec, le français est la langue officielle. Il ne vous aura cependant pas échappé qu’on ne parle pas de la même manière dans l’Hexagone. Les Français auraient parfois du mal à comprendre les Québécois, et vice versa. Non seulement l’accent est différent, mais de nombreux mots de vocabulaire aussi. D’où vient cette différence linguistique ? Selon Julie Auger, professeure agrégée de linguistique à l’Université de Montréal, c’est le parler en France qui a évolué. C’est notre question bête de la semaine.
En 1534, l’explorateur français Jacques Cartier découvre les terres du Québec. Alors appelé la Nouvelle France, ce nouveau territoire est peuplé de colons français. Contrairement à la croyance populaire, les colons n’étaient pas des paysans, mais des artisans venant de villes de province, explique Julie Auger. ‘‘Chacun parlait son patois, mais aussi le français’’, continue-t-elle. Pour pouvoir communiquer, ils ont dû trouver une langue commune, le français parisien. Le “jaser” majoritaire parisien s’est donc enrichit par le langage local.
‘‘Au 17ème siècle, tout le monde en Nouvelle France parlait un bon français, ce qui n’était absolument pas le cas en métropole’’, continue Julie Auger. En 1608, la ville de Québec est officiellement fondée. Le français parlé alors était celui de la royauté et de la noblesse, spontané, naturel et plus familier : toutes les syllabes ne sont pas prononcées et beaucoup de lettres sont avalées.
En 1763, suite à une défaite militaire, l’empire français cède ses territoires canadiens aux Britanniques. La Nouvelle France change de nom. Ses relations avec l’Hexagone se distendent. Chacune des langues évoluent de son côté.
“C’est le parisien qui semble avoir plus changé“, détaille Julie Auger. Après la Révolution française, l’aristocratie fuit la France, laissant la place à la bourgeoisie. C’est le français de la bourgeoisie, appris dans les écoles, qui devient alors la norme et la ‘‘bonne façon de parler’’, explique la professeure de linguistique.
Le français québécois va évoluer sous l’influence de la langue anglaise, notamment grâce à l’instruction religieuse. Certains anglicisme sont adoptés et enrichissent le vocabulaire québécois.
‘‘L’évaluation sociale de la langue est arbitraire. Le prestige que la bourgeoisie acquiert à cette époque lui permet de devenir le modèle à imiter’’, continue-t-elle.
La révolution linguistique survient donc d’abord chez les Parisiens. L’ancienne prononciation est dévalorisée et associée au langage rural, alors qu’au Canada, le parler est resté le même. D’ailleurs, alors que les voyageurs de l’époque estiment que les Canadiens parlent très bien français, les visiteurs post Révolution française s’étonnent d’entendre un accent qui leur paraît régional.
‘‘Le français québécois a conservé les singularités de la langue, là où le français parisien a perdu certaines distinctions’’, détaille la linguiste. ‘‘Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de parler le français. Tout dépend des traditions et habitudes de chaque pays’’, conclut Julie Auger. Donc au Québec, on jase français, un point c’est toute !