19% des Canadiens et 16% des Français ont déclaré avoir été exposés à des fake news au cours de la semaine précédente, selon une étude menée par Reuters en 2018. Vous avez raté les conférences sur l’éducation aux médias de la Semaine de la presse et des médias à Montréal, que nous avions annoncées ici ? Nous y avons rencontré Serge Barbet, directeur délégué du Centre de liaison de l’enseignement et des médias de l’information (CLEMI) en France, pour parler de la nouvelle collaboration franco-québécoise et des outils pour mieux s’informer.
Selon une étude publiée en 2018, 95% des adolescents américains interrogés utilisaient un smartphone et 45% disaient être en ligne “presque en permanence”. Hyperconnectés, les jeunes sont confrontés à un phénomène d'”infobésité“. Les réseaux – dont ils sont friands – contiennent un “risque d’uniformisation de la pensée” car “les outils algorithmiques favorisent les biais de confirmation“, souligne Serge Barbet.
En France, où 73% des 4-14 ans ont au moins un écran personnel, l’attentat contre Charlie Hebdo a montré qu’il fallait renforcer la formation des jeunes aux médias. “Il y a eu un effet de sidération de la société dans son ensemble face à la cruauté des faits, mais également à la manière dont cela a été reçu et commenté dans la société”, explique Serge Barbet. Les initiatives du CLEMI se sont alors accélérées pour “aider les enseignants à aborder des sujets sensibles face aux élèves de façon pertinente“.
Ses actions ? Former les enseignants, produire des ressources pédagogiques, animer des ateliers et stimuler la production de médias scolaires pour comprendre les métiers de l’information. L’organisme collabore aussi avec d’autres institutions à l’étranger pour partager connaissances et réflexions, notamment au Québec où une nouvelle collaboration est mise en place.
La Fédération des Journalistes Professionnels du Québec (FPJQ) met à la disposition des écoles le dispositif “Trente secondes avant d’y croire“, pour déconstruire les fausses informations avec des vidéos et séquences pédagogiques. Le 2 mai, au cours de sa première Semaine de la presse et des médias – inspirée du modèle français qui existe depuis 30 ans – elle a signé un partenariat avec le CLEMI pour partager ressources et bonnes pratiques.
“La FPJQ lance une première initiative intéressante avec deux volets : le volet éducatif et le volet du public“, souligne Serge Barbet. Il constate également en France la nécessité d’agir au-delà des bancs d’école. “On est aussi face à un public adulte qui a besoin d’accompagnement et de formation aux outils numériques, à la façon de s’informer sans être manipulé“.
Les seniors se feraient d’ailleurs plus berner que les jeunes. D’après une étude de l’Université de Princeton, les plus de 65 ans ont partagé 7 fois plus de fake news que les 18-29 ans pendant la campagne présidentielle américaine de 2016.
Donner l’exemple, en adoptant les bons réflexes. “Croiser ses sources, si l’on n’a pas confiance dans un média“, conseille Serge Barbet. Et ne pas se reposer sur les enseignants car “l’école seule ne pourra pas assurer l’éducation à la citoyenneté“, rappelle-t-il.
Comment guider nos enfants pour une bonne utilisation d’internet et des médias ? “Les orienter dans leurs recherches, leur expliquer la logique algorithmique et l’utilisation des données personnelles“, recommande Serge Barbet. Montrer aussi l’importance du paramétrage sur réseau, ce que le directeur a fait auprès de jeunes de son entourage à l’aide d’une simulation. “Je suis allé avec des adolescents sur Facebook et, avec leur accord, je leur ai montré comment j’allais sur leur profil à partir du mien puis j’allais me promener chez leurs amis. Ils ont réalisé comment un homme proche de la cinquantaine peut finalement arriver sur des profils d’adolescentes et aller voir des photos . Ils étaient très choqués !”.
De nombreuses ressources sont mises à votre disposition en ligne par le CLEMI (Guide de la famille tout-écran, vidéos) et la FPJQ (vidéos)… Pour tirer le meilleur des outils numériques, à tout âge.