Frédéric Coupard, 42 ans, fait partie de ces Bretons qui ont pris le large pour le Québec et qui ne le regrettent pas. Originaire de Rennes, il est arrivé à Montréal en 2002 et y est resté. Après avoir été formé à l’École hôtelière de Dinard, il a travaillé 5 ans à Paris dans des hôtels-restaurants à plusieurs étoiles. C’est d’abord l’envie de bénéficier d’une expérience à l’étranger qui l’a conduit à Montréal.
“J’en ai eu vite marre de Paris!”, lance d’emblée Frédéric, qui avait aussi hésité à partir en Angleterre, aux États-Unis ou en Australie. “L’Angleterre c’était trop proche et trop chère, les États-Unis, trop compliqué avec les visas, et l’Australie, trop loin… Il me restait donc le Canada et surtout le Québec avec son atout francophone,” confie le Breton qui n’est pas tombé immédiatement en amour avec Montréal mais qui s’y est senti bien rapidement.
“La première semaine où je suis arrivé, je me suis demandé ce que je faisais là! Je ne connaissais personne, je n’avais pas de travail: j’étais déboussolé”, reconnait celui qui a fini par décrocher un travail de maître d’hôtel à l’InterContinental Montréal, un hôtel 4 étoiles avec 300 chambres.
Au bout de 7 ans de service, il décide de mettre les voiles pour d’autres aventures et finit par participer à l’ouverture de la crêperie La Bulle au Carré (qui a fermé en 2013) en compagnie d’un proche fraîchement débarqué sur l’île. “Il avait goûté des crêpes à Mont-Tremblant, on lui avait dit que c’étaient les meilleures de la région… mais il n’avait pas aimé du tout! Alors il s’était mis en tête d’ouvrir une crêperie, une vraie,” raconte Frédéric qui est devenu son employé et qui en a profité pour se former avant d’ouvrir son propre restaurant. “Je ne savais pas faire des crêpes, j’ai appris grâce à une crêpière bretonne de Quimper qui travaillait à la Bulle au carré”, explique l’entrepreneur qui, petit, rêvait d’être boulanger.
“À Montréal, un restaurant sur deux qui ouvre ne survit pas plus de 3 ans”
“Ici, les banques sont frileuses à l’idée de prêter aux gérants de restaurants parce qu’il y a beaucoup de faillites! À Montréal, un restaurant sur deux qui ouvre ne survit pas plus de 3 ans: il y a trop de concurrence et trop de gens qui se lancent sans avoir de compétences de gestion. Ça ne marche pas comme ça!”, lance le patron breton qui a pris soin de faire appel à Jean-François, un “vrai” crêpier pour confectionner les assiettes qu’il propose à ses clients. “Il a lui-aussi tenu une crêperie à Rennes pendant 7 ans, il a donc une solide expérience de travail. Certaines personnes n’arrivent pas à faire des crêpes, c’est manuel, c’est toute une gestuelle!”, confie le gérant du Breizh Café depuis 4 ans et qui gère 5 employés.
“Mon objectif? Qu’on soit la meilleure crêperie de Montréal! Ici, la concurrence c’est tous les autres restaurants”, explique Frédéric avant de préciser qu’il y a d’ailleurs très peu de crêperies bretonnes à Montréal. “Ce sont souvent des crêperies nord-américaines. Moi je voulais que ce soit authentique, comme en Bretagne.”
Situé au 3991 boulevard Saint-Laurent (à côté du Schwartz’s), le Breizh Café est ouvert tous les jours sauf le lundi. “On ouvre plus tôt le samedi et le dimanche pour les fameux brunchs montréalais… On s’adapte à la clientèle! On fait la même chose avec le format des crêpes: ici les gens ne sont pas habitués à manger plusieurs crêpes! Ça leur fait bizarre. Donc on propose un format “grande galette” pour les rassasier en une fois.”
En cuisine aussi, le client est roi et on s’adapte à ses particularités, autrement dit le sirop d’érable coule à flots. “Ça arrive souvent que les gens prennent une crêpe salée et la badigeonne de sirop d’érable voire de ketchup ou de tabasco, mais c’est plus rare…”
Et après? “Tenir un bon restaurant et être capable d’en vivre, c’est déjà un bel objectif pour moi”, lance le Breton qui rentre en France tous les trois ans. “La dernière fois que j’y suis allé, je n’ai pas reconnu les modèles de voitures ni les plaques d’immatriculation. Je me suis même perdu en arrivant à Rennes, quelle étrange sensation. Mais au final il n’y a que la mer qui me manque vraiment…”