Depuis son lancement en 2017 en France, Yuka, l’appli Smartphone qui analyse l’impact des produits alimentaires et cosmétiques sur la santé, connaît une croissance fulgurante. Avec 18 millions d’utilisateurs dans le monde, elle est aujourd’hui disponible en Belgique, en Suisse, au Luxembourg, au Royaume-Uni, en Irlande, en Espagne et aux États-Unis. Début peu, elle s’est également lancée au Canada après de nombreuses demandes de la part des Québécois.
« Quand on a commencé en France, on s’était fixé l’objectif d’atteindre 100.000 utilisateurs en un an… On en a obtenu un million ! Pour l’Espagne, on s’est montrés plus gourmands : on a visé un million d’utilisateurs en un an et on en a eu cinq. Alors pour les États-Unis, on ne se fixe rien. On verra bien ! » explique Julie Chapon, cofondatrice de Yuka.
L’enjeu principal pour l’appli, au Canada comme ailleurs : avoir un fort impact sur la société en faisant évoluer les industriels vers le mieux-manger et une meilleure santé. Sa méthode ? Offrir à ses utilisateurs une fonction d’évaluation des produits alimentaires et cosmétiques. Il suffit de scanner les codes-barres pour obtenir des fiches détaillées et un code couleur : vert foncé pour « excellent » (correspondant à une note comprise entre 75 et 100 points sur 100), vert clair pour « bon » (note entre 50 et 75 sur 100), orange pour « médiocre » (de 20 à 50 points sur 100) et rouge pour « mauvais » (de 0 à 25 sur 100).
Si la note est « mauvaise », l’appli propose des alternatives. Un système de décryptage qui a largement fait ses preuves en France où les industriels ont revu des recettes. « L’enseigne Intermarché a décidé de supprimer 142 additifs de certains produits » affirme Julie Chapon avant d’ajouter : “L’idée de base, c’était de développer un outil pour améliorer ce que l’on consomme. Voir l’industrie agro-alimentaire s’adapter, c’est une satisfaction. Aujourd’hui, les marques nous envoient même directement leurs compositions.”
Avant d’en arriver à ce stade au Canada ou encore aux États-Unis, il reste encore du chemin à parcourir. Car si le taux de reconnaissance des produits monte à plus de 99% en France, aux USA, il atteint actuellement 75%. « Le plus gros challenge aux USA reste la base de données. On a bénéficié d’une base de départ de près de 30.000 références, mais il y a toujours un laps de temps pour que les utilisateurs y contribuent et scannent de nouveaux produits » assure la cofondatrice.
Pour le moment, le bouche à oreille et les retours des bêta-testeurs ont permis de roder l’application à la sauce américaine. « Les profils sont plutôt similaires avec des utilisateurs déjà dans ce type de démarche de vie. Puis il y a des subtilités : ici les valeurs nutritionnelles se calculent en « portion » et non par tranche de 100 grammes comme en France. Cela a demandé quelques calculs pour s’adapter » détaille Julie Chapon.
L’algorithme de l’application calcule en effet ses notes selon des critères locaux qu’il faut ajuster selon les pays. L’équipe bénéficie ainsi du soutien d’un comité scientifique et de collaborations avec des spécialistes. Sur le plan cosmétique, la note est obtenue en fonction des dangers reconnus et potentiels des ingrédients.
« Sur le plan alimentaire, la qualité nutritionnelle du produit équivaut à 60% de sa note » explique Julie Chapon. Et de préciser : « on se base sur la méthode de calcul Nutri-Score, un barème adopté par plusieurs gouvernements européens et qui évalue les aliments selon leur teneur en calories, protéines, fibres, sel, sucre… ». La présence d’additifs et leur niveau de risque équivaut ensuite à 30% de la note et la dimension biologique à 10% (le label USDA Organic aux États-Unis).
Les évaluations offertes par Yuka ne sont en rien influencées ou biaisées. « On ne reçoit aucun financement d’industriels et on tient vraiment à rester 100% indépendant » assure la cofondatrice. Pour réussir à se développer, les trois co-fondateurs à l’origine du projet ont réalisé une levée de fonds de 800.000 euros auprès de business angels en 2018. De quoi recruter une équipe de dix employés. Tous sont basés à Paris et pas d’ouverture de bureau à l’étranger à l’ordre du jour. « Ce serait lourd et coûteux. On parvient à tout faire à distance et on se déplace si besoin » admet Julie Chapon.
Aujourd’hui, le modèle de l’application est viable. Un business basé sur trois sources de revenus différentes. La première : la version premium de l’appli qui permet à l’utilisateur de disposer de fonctionnalités supplémentaires moyennant 15 euros par an. « Il peut scanner sans réseau Internet, détecter la présence d’allergènes et d’éléments indésirables et utiliser une barre de recherche » explique Julie Chapon. La deuxième : un programme nutritionnel de 10 semaines disponible sur leur blog. Et la troisième : un calendrier des fruits et légumes de saison.
Yuka devrait être intégrée à Snapchat, l’appli à succès de partage de photos et de vidéos. En parallèle, l’équipe s’attèle en outre à développer une nouvelle mesure : un score environnemental. Autant d’actualités qui permettent à Yuka d’asseoir sa réputation sur le plan international.
Propose recueillis par Jeanne Moulin