Charles Decroix, 36 ans, vient d’être nommé directeur général de l’Orchestre symphonique de Laval. Un poste en forme de consécration pour ce passionné de musique, à qui l’avenir appartient.
Charles Decroix en est assez persuadé : à 36 ans en France, inutile d’espérer accéder à un poste de directeur dans un grand ensemble. « Ici, c’est mobile, les gens ne s’accrochent pas coûte que coûte à leur place, c’est flexible et dynamique », lâche, avec un enthousiasme contagieux ce Français, jeune papa, qui vient donc de décrocher le poste de directeur général de l’Orchestre symphonique de Laval (OSL). Une fonction qu’il appréhende avec « une joie immense » et une « envie folle », lui qui avoue son appétit sans limite pour la musique, « en tout genre », précise-t-il.
Du piano depuis l’âge de 6 ans
Charles Decroix est un mélomane de naissance aux doigts de génie. Il débute le piano à six ans et rattrape, en une poignée de leçons, le niveau de son papa qui s’évertuait alors sur les touches du clavier depuis quelques années. « Mon père a aussitôt abandonné, raconte le musicien qui lui, n’a depuis jamais cessé de pratiquer. Je suis un fou malade de musique. Dès que j’ai une minute trente de disponible, je mets les écouteurs sur mes oreilles pour découvrir de nouvelles choses, et si j’ai plus de deux minutes, je joue. » Cette passion, Charles Decroix l’alimente en permanence, à travers sa scolarité notamment, qu’il passe dans des classes à concentration musique, avant d’embarquer, le bac en poche, pour une maîtrise en musique et administration de la musique dans les rangs de La Sorbonne à Paris (2001-2006).
L’année suivante, Charles Decroix met le cap sur le Québec, via un PVT, et y « découvre le grand dynamisme culturel de la province ». Charmé, le pianiste avoue aussi entretenir depuis gamin un lien particulier avec la Belle Province. « J’ai une tante québécoise, que je suis souvent venu voir pour les vacances. J’ai toujours aimé cette terre », confie-t-il.
Mais après 2007, il retourne en France poursuivre une maitrise en Management et administration de projets culturels à HEC Paris. Et débute alors une carrière dans d’importantes formations orchestrales et lyriques françaises pour un avenir qui semble écrit d’avance et sans fausse note : l’Orchestre National de France, l’Ensemble intercontemporain, le Festival international d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence… jusqu’au jour où la famille Decroix manifeste un désir de changement. « Et pour nous, le Québec semblait être une bonne terre d’accueil. Nous sommes arrivés en 2012, je n’ai jamais regretté », affirme celui qui exerce d’abord ses talents de directeur général au sein à l’Institut canadien d’art vocal avant de rejoindre l’Alliance chorale du Québec. Puis comme une partition écrite sur mesure, il arrive à Laval avec le sentiment d’être à sa juste place. « Toutes ces expériences m’ont enrichi, dit il et désormais j’ai le sentiment d’être à ma place à l’OSL, et c’est vraiment inspirant. »
Un défi de taille
Sa mission n’est pourtant pas minime : alors que les mastodontes montréalais (OSM et OM) prennent médiatiquement une grande place et organisent des événements populaires déplaçant chaque année les foules, la formation lavalloise peine à se faire connaître du grand public et à traverser le boulevard Crémazie pour atteindre les rives du Saint-Laurent. « C’est pourtant un excellent orchestre, du niveau de l’orchestre métropolitain, assure le nouveau directeur, mais c’est vrai, je perçois qu’il y a une grande offre à Montréal. Nous avons aussi une programmation géniale qu’il va falloir faire connaître. C’est un travail de positionnement auquel je vais m’atteler. »
Parmi ses opérations séductions, l’OSL organise déjà des moments “bébés musiques” invitant les très jeunes enfants et leurs parents à des rencontres musicales où « ça gazouille et ça piaille ». « On veut mettre les enfants dès le plus jeune âge au contact de la grande musique. » Charles Decroix cite aussi des concerts familles en « mode éducatif » pour réconcilier le grand public avec le classique. Et il le révèle : Il y aura d’autres projets, beaux et marrants. « Il ne faut pas avoir peur d’aller écouter du classique », confie celui qui ne supporterait pas que le public ait l’impression « d’entrer dans un musée poussiéreux lorsqu’il se rend à un concert de musique classique ».
Du pain sur la planche, Charles Decroix n’en manque donc pas, mais cela ne l’effraie pas. Au contraire, il semble déployer une énergie à toute épreuve, dont la batterie jamais ne s’épuise. Un peu comme ses écouteurs d’ailleurs. Dernière indiscrétion : sa playlist favorite tangue entre Police et le troisième concerto de Beethoven, valse entre le rappeur Break et du Chopin. Et s’il reconnaît une préférence pour le classique, il ajoute aussi qu’« il y a des choses intéressantes partout ». Charles Decroix, ou l’art de manier la baguette à la perfection !