Au Québec, il est possible d’être marié par un proche. L’union est reconnue et enregistrée comme si elle était le fait d’un représentant du ministère. Explications.
Sur le courriel d’invitation, le rendez-vous était donné un samedi en fin d’après-midi pour célébrer dix ans de vie montréalaise. Une fête a priori “ordinaire”, qui s’est vite transformée en “journée exceptionnelle”. Car une fois sur place, les invités ont appris qu’ils étaient réunis pour célébrer un mariage. Dans la maison pourtant, aucun représentant du Ministère de la justice, ni de l’église, mais Julien, un Français qui, pour l’occasion, s’est mis dans la peau du célébrant.
Lui avait été mis dans la confidence six mois plus tôt, mais devait tenir le secret. A-t-il hésité avant d’accepter le rôle du célébrant ? “Non ! C’est un grand honneur et une belle surprise. Mais je ne m’y attendais pas, je n’avais jamais entendu mes amis parler de mariage auparavant.” Et si le Français avait déjà été témoin et maître de cérémonie lors de mariages en France, jamais il n’avait été officiellement célébrant. “Je ne connaissais pas toutes les subtilités administratives”, avoue-t-il.
En toute décontraction, le jour J, Julien a néanmoins “agit comme officier de l’état civil chargé de recevoir le consentement libre et éclairé des futurs époux ou conjoints”, pour prendre les termes exacts du Ministère de la Justice. Sacrée responsabilité, et bien plus en réalité. “Ce qui est assez difficile, c’est de faire quelque chose qui corresponde aux mariés, de respecter leurs personnalités. La lecture du Code civil en soi, c’est facile, mais il fallait aussi que tout le monde y trouve son compte.”
“Respecter un certain formalisme”
Cette option du mariage, où le célébrant est un proche (parent, ami…), est possible depuis 2003 au Québec, et permet une fête plus intime. Pendant ses prises de paroles, Julien a joué sur l’humour, évoqué la rencontre des deux mariés (“J’avais chaperonné leur première rencontre”), ressorti les photos de jeunesse. Il a fait sourire et ému l’assemblée. “Il fallait trouver la bonne ligne de crête : dire des choses sérieuses mais y mettre de l’humour et ne pas tomber dans le pathos.”
Installé à Montréal depuis plus de dix ans, et ayant un métier qui l’amène à prendre la parole, Julien n’est pas franchement intimidé à l’idée de parler en public. “Mais un mariage, c’est autre chose. Il faut trouver le bon équilibre, ne pas tomber dans la bouffonnerie, faire quelque chose de solennel mais pas trop strict. J’étais néanmoins conscient qu’il fallait respecter un certain formalisme.” Et l’essentiel : “Comment rester naturel alors que tu maries tes amis et que c’est hyper émouvant ?” raconte le célébrant qui s’en souvient : “Au départ, ma voix était un peu chevrotante mais une fois la machine lancée, ça allait.” À peine une heure plus tard, il déclarait le couple “unit par les liens du mariage”. Applaudissement général.
Mariage officiel
Cette union est officielle et reconnue. Avant 2003, seuls les greffiers du palais de justice et les ministres du culte étaient autorisés à célébrer les mariages. C’est auprès du Directeur de l’état civil que les futurs époux ou conjoints doivent s’adresser afin que la personne qu’ils ont choisie puisse agir comme célébrant pour leur mariage ou leur union civile.
Mais attention, célébrer le mariage d’un ami ne signifie pas prendre son rôle à la légère. “C’est une responsabilité que le ministère délègue à un citoyen et on s’assure que la tâche sera accomplie avec sérieux lors de l’entretien téléphonique que nous avons avec chaque célébrant. La loi exige la lecture des articles du Code civil”, explique-t-on au ministère de la justice. D’ailleurs, c’est au célébrant que revient la responsabilité “de vérifier si les époux sont célibataires ou s’ils ont bien en main leur certificat de divorce, que le célébrant doit envoyer à l’état civil, sinon le mariage sera invalide.”
Pour aider les célébrants, un guide est mis à leur disposition, détaillant toutes les démarches à réaliser, le calendrier à respecter…
Parmi les obligations, on citera pèle mêle : l’affichage de l’acte de publication au moins 20 jours avant le jour J, l’élaboration d’un dossier réunissant des documents officiels des conjoints, la lecture des articles du Code civil du Québec durant la cérémonie, recevoir le consentement des époux… Une fois le mariage passé, il faut aussi “transmettre sans délai au Directeur de l’état civil l’original de la Déclaration de mariage”.
Mais derrière tout cet aspect administratif, reste le sentiment d’avoir participé à quelque chose d’“unique”. “C’était à la fois simple et original. Un mariage à leur image”, conclut Julien, qui se souviendra en souriant d’un mariage “où tout le monde était en chaussette !”
Pour désigner un célébrant, plus d’info ici.