“Les Français de l’étranger ne sont pas tous riches et ne vivent pas sous les cocotiers. Ils peuvent se retrouver dans les mêmes difficultés que les Français de France”, lâche la sénatrice Hélène Conway-Mouret. L’élue ne décolère pas depuis le rejet des amendements qu’elle a présentés du 21 au 23 avril dernier devant la chambre haute du Parlement. La socialiste demandait entre la création d’un fonds de soutien – d’un montant de 14 millions d’euros – à destination des Français de l’étranger les plus précaires.
“En Europe, bien évidemment les arguments de la nécessité de crédits pour les Français installés hors de France sont moins entendables parce qu’il existe des systèmes locaux” pouvant prendre le relais et ainsi assurer un soutien aux citoyens français, concède la sénatrice. “Mais il ne faut pas avoir une vision étriquée de la situation, mais globale. Ce n’est pas parce que pour certains les choses se passent bien que les autres ne doivent pas être pris en considération. Si on se retrouve en Afrique ou en Amérique Latine sans emploi, on peut être à la rue”, ajoute Hélène Conway-Mouret.
Lors de son intervention devant ses pairs et le gouvernement, l’élue a demandé entre autres la création d’un fonds d’aide social. L’objectif était le doublement de la ligne budgétaire du CCPAS (le Conseil Consulaire pour la Protection et l’Aide Sociale), le faisant passer ainsi de 13 millions à 27 millions d’euros. Cette structure couvre habituellement des besoins annuels (via des allocations par exemple) pour les personnes âgées, handicapées ou pour aider ponctuellement des Français en souffrance. “Cette ligne existant déjà, on ne créait pas quelque chose de nouveau, de toute pièce et qui demanderait du temps”, précise Hélène Conway-Mouret, “on aurait ainsi eu pour les six mois qui viennent une enveloppe répondant à une demande d’aides ponctuelles de compatriotes qui se retrouveraient complètement démunis et à qui par exemple on aurait pu payer ou avancer le logement pour éviter une expulsion ou régler une facture de l’hôpital ou de frais médicaux”. Elle prend pour exemple une de ses amies qui vit aux Etats-Unis, diagnostiquée positive au coronavirus et qui a dû s’affranchir de $7.000 pour avoir passé quatre heures aux urgence. Un montant que tout le monde ne peut pas payer, selon sa situation et sa couverture médicale.
Ce crédit supplémentaire de 14 millions d’euros avait donc pour objectif, souligne l’élue, d’accompagner les personnes en difficulté “à non seulement traverser cette crise mais aussi rebondir”. “Par exemple, quelqu’un par exemple qui perd son logement peut se retrouver dans l’impossibilité de retrouver du travail. J’en parle d’expérience, car j’ai eu à traiter ce genre de cas impliquant des femmes qui avaient quitté le domicile conjugal pour causes de violences, elles se sont retrouvées dans un refuge avec leurs enfants, l’adresse du refuge n’étant pas pérenne, elles se trouvaient alors dans l’incapacité de retrouver du travail. Il y a vraiment des gens qui se retrouvent dans une impasse complète et ces aides exceptionnelles pourraient vraiment les aider”.
La sénatrice avait également déposé un amendement qui avait pour objet de mettre en place un pôle sanitaire, assuré par un professionnel de santé, au sein des postes consulaires et diplomatiques, “à l’exemple de ce qui a été réalisé avec succès par notre ambassade en Tunisie”. “Dans la plupart des postes à l’étranger, il y a des médecins référents francophones. En Tunisie, le professionnel a ainsi été rémunéré pour assurer un jour et demi par semaine des consultations”, justifie Hélène Conway-Mouret. Son idée était de pouvoir pallier le système de santé parfois défaillant du pays de résidence. “Cela permettrait ainsi aux Français de consulter sans barrière de la langue sur tout genre de questions sur le coronavirus mais pas seulement. C’est essentiel, d’autant que l’on sait maintenant que les gens n’osent plus aller à l’hôpital et qu’ils consultent de moins en moins”. Selon l’élue, mettre en place ce pôle sanitaire “transitoire” inciterait aussi les Français à rester dans leur pays de résidence, comme le recommande le ministre des Affaires étrangères depuis le début de la crise sanitaire.
Mais ces deux propositions, comme celle sur une aide d’un million d’euros pour soutenir les alliances françaises dans le monde, ont été rejetées lors du vote. Dommage, pense la sénatrice, alors que l’Etat accorde globalement “500 milliards d’aide et que nos demandes ne représentent pas un montant important au vu du nombre de Français installés à l’étranger (3,5 millions, ndlr) qui souffrent de cette situation de la même manière que ceux vivant en France”. La sénatrice présentera à nouveau ces amendements lors du prochain projet de loi de finances rectificative, dont la date n’a pas encore été fixée, et espère que le gouvernement ne restera pas sourd. “On souhaite que cette fois-ci les crédits seront à la hauteur des attentes”, confie-t-elle, mais elle craint que les décisions ne soient prises trop tard, alors qu’“il y a urgence”.