Si vous vous attendez à voir se dérouler méthodiquement la vie et la carrière de Leonard Cohen dans une succession de salles, vous risquez d’être surpris. L’exposition événement consacrée par le Musée d’art contemporain à Leonard Cohen est avant tout une collection d’hommages réalisés par de nombreux artistes sur des supports multiples. Le résultat est à la fois touchant et parfois musicalement et/ou visuellement saisissant.
Leonard Cohen avait validé le principe de cette exposition, planifiée par le musée depuis trois ans. Fidèle à son humilité légendaire, il avait toutefois précisé : “Je ne serai pas à l’inauguration“, se remémorait Robert Kory, agent de l’artiste, lors de la conférence de presse organisée par le MAC le 8 novembre dernier pour présenter l’exposition. La disparition de Leonard Cohen, il y a un an, donne finalement à cet événement — longuement préparé — une autre dimension.
“Lorca Cohen (ndlr : la fille de Leonard Cohen) m’a dit ce matin que l’exposition du MAC est extraordinaire, magnifique, confiait Robert Kory aux journalistes. Elle invoque l’âme de Leonard de telle manière qu’il lui a été impossible de rester dans les lieux plus de deux heures car elle commençait à pleurer“.
“Le MAC n’a jamais monté une exposition en hommage à un musicien“, a déclaré John Zeppetelli, directeur général du MAC. Une première donc pour ce musée, qui n’a exhumé ni costumes, ni chapeaux, ni photos intimes de Leonard Cohen mais a souhaité selon son directeur : “la célébration critique, l’hommage affectueux (…), la commémoration paisible d’une grande réussite artistique et d’une vie inspirante“. L’exposition a ainsi été mise entre les mains d’une quarantaine d’artistes venus du monde entier pour exprimer, chacun à leur façon, comment Cohen les a touchés et inspirés. Le résultat ? Vingt oeuvres inédites dans un mélange d’arts visuels, réalité virtuelle, installations, performance et musique.
Dans l’installation intitulée “À l’écoute de Leonard”, des musiciens ont été invités à enregistrer une reprise exclusive d’une chanson de Cohen. Parmi eux, Feist, Jarvis Cocker, Sufjan Stevens, Moby, Ariane Moffatt et Lou Doillon.
L’installation audio participative intitulée “I heard there was a secret chord” et mise au point par le studio “Daily tous les jours” invite les visiteurs à fredonner la chanson “Hallelujah” en fusion avec toutes les personnes en train d’écouter cette mélodie, où qu’elles soient dans le monde et en temps réel sous forme d’expérience au MAC et même en ligne.
L’artiste Candice Breitz a travaillé avec 18 admirateurs montréalais de Leonard Cohen qui jouent et chantent les chansons de l’album “I’m your man” dans une installation circulaire. Leurs voix font écho à celles du choeur de la synagogue de la famille Cohen à Montréal, auquel le chanteur avait fait appel pour son dernier album “You want it darker”.
Mention spéciale à l’oeuvre du réalisateur Ari Folman, auteur du magnifique film d’animation “Valse avec Bachir”. Avec l’installation “Chambre de dépression”, allongé dans une petite pièce, le visiteur écoute la chanson “Famous Blue Raincoat” tout en contemplant les paroles s’évaporer et s’envoler sous forme de dessins pour rejoindre sa propre image, projetée au plafond. Un pur moment de grâce, inspiré par le souvenir des longues heures pendant lesquelles la soeur du réalisateur s’enfermait dans sa chambre pour écouter Cohen en boucle.
À ne pas manquer non plus, l’installation en réalité virtuelle de Zach Richter. Le visiteur est immergé dans une interprétation a cappella dans des tessitures différentes de la chanson “Hallelujah” par le compositeur-arrangeur Bobby Halvorson. À expérimenter jusqu’à la fin de la chanson surtout.
Les oeuvres présentées tout au long de l’exposition mêlent notamment danse, chant, poésie, projection d’extraits de concerts (magnifique montage “Passing Through” de George Fok) ou d’entrevues de l’artiste (Kara Blake, “Les offrandes”)… La chorégraphe et danseuse contemporaine Clara Furey interprètera 90 fois “When ever the”, un cycle de performances de 90 minutes inspiré par le poème éponyme de Leonard Cohen en présence d’une sculpture de Marc Quinn, sur une musique de son frère, Thomas Furey (horaires ici). Avec l’oeuvre “La machine à poésie” de George Bures Miller, les visiteurs peuvent écouter Cohen réciter un poème chaque fois qu’ils enfoncent une touche d’un orgue.
“Toutes les oeuvres mises bout à bout durent 7 heures“, nous dit-on à l’entrée. De quoi y passer la journée, et même y revenir… On en ressort touché par ces hommages qui témoignent de l’héritage laissé par Cohen et porté, évidemment, par sa musique.