Certes, comparé avec Londres, Paris ou New York, Montréal (ou même Toronto) reste une ville “abordable”. Mais depuis 5 ans le paysage a beaucoup changé et l’augmentation constante des loyers a fini par créer une crise du logement sans précédent dans la métropole québécoise. Mauvaise nouvelle: ce n’est pas prêt de s’améliorer. Mais, et c’est la bonne nouvelle, il y encore des quartiers abordables.
Au coeur de la crise, une offre de plus en plus limitée. « Pour être dans une situation saine, il faut un taux d’inoccupation autour de 3%, estime Vincent Leduc, courtier immobilier chez Remax Alliance. Or, on est désormais très en-dessous dans beaucoup de quartiers». Résultat immédiat, les loyers flambent. Selon un rapport de l’Institut du Québec, 36% des locataires de la grande région de Montréal consacrent + de 30 % de leurs revenus bruts.
La cause est aussi simple qu’attendu: Montréal a connu une croissance très forte ces dernières années, l’immobilier n’a pas suivi. « La ville a vu sa population augmenter de 70 % en 25 ans, souligne Vincent Leduc. Cela a été accentué par la pandémie, au cours de laquelle de nombreux chantiers ont été arrêtés. Le coût des matériaux les rend moins rentables et la pénurie de main d’œuvre ralentit les constructions. » Autre effet de la Covid: le changement d’attitudes de certains ménages: « avec l’avènement du télétravail, des couples sans enfants ont par exemple décidé de prendre une pièce de plus pour leur bureau, accentuant la pression, » note Vincent Leduc.
Tandis que la spéculation atteint son point culminant, les locations à long terme déclinent. Marc-André Reid Triantafyllos, directeur général d’Espace Nord, pointe du doigt le phénomène déclenché par Airbnb au cours des années 2010. Devant la promesse de revenus nettement plus alléchants, nombre de propriétaire ont réservé leurs logements aux locations courtes durées. Un phénomène condamné par des associations de défense des locataires, notamment lors de manifestations récentes à Montréal.
L’augmentation des loyers la plus visible est localisée sur le Plateau-Mont-Royal – quartier très prisé des nouveaux arrivants de l’hexagone. Dans les rues de l’arrondissement, les boulangeries foisonnent, l’accent français résonne et les restos gastro fleurissent – une french touch qui ne passe pas inaperçue aux yeux des spéculateurs. Cependant, les chiffres montrent que la population d’origine immigrante est de 25 % sur le Plateau dont 6 % de Français. Selon Vincent Leduc, ce n’est pas assez pour dire que c’est « la faute des français ». En revanche, le visage des vitrines et le charme des espaces urbains causent le boom attractif et immobilier du secteur. Les enseignes obsolètes disparaissent au gré des vitrines bien plus sophistiquées. On parle de gentrification des quartiers centraux. Ce phénomène se globalise sur l’île de Montréal et contribue à la crise.
Marc-André Reid Triantafyllos identifie une nouvelle génération de propriétaires qui se lancent dans l’acquisition de biens de manière plus professionnelle : « ils optimisent le potentiel de leur immeuble en l’élevant à un rang haut de gamme pour en tirer partie au maximum. » Une différence de mentalité avec les dynasties antérieures : « les investisseurs d’avant étaient plus passifs, au contraire, ils allégeaient les coûts de rénovation mais les loyers restaient abordables. »
Les données sont tombées: le rapport de la Société canadienne d’hypothèque et de logements (SCHL) manifeste un écart de 28 % entre les nouveaux locataires et ceux qui étaient restés dans le même logement. Les 4 ½ ont subi le plus haut taux de variation. On compte une moyenne de 1022 $ par mois des logements avec deux chambres.
Voici le top 5 des loyers qui ont le plus augmenté en 10 ans sur la base des appartements 4 ½ (équivalent d’un F3) :
La SCHL constate une hausse des loyers de plus de 50 % dans les quartiers non centraux. Ils sont plus éloignés des centres névralgiques montréalais et des stations de métros mais restent des artères à surveiller pour les prochaines années.
Malgré une hausse significative et généralisée des loyers dans tout le grand Montréal, certains quartiers demeurent à la portée des revenus modérés. Ainsi, Hochelaga-Maisonneuve commence à être pris d’assaut par les nouveaux propriétaires et les locataires aux revenus moyens. Avec une hausse de 30 % et une moyenne de 825 $ pour un 4 ½, l’annonce de grands chantiers mixtes va changer la donne. Le développement territorial transformera le visage du quartier qui, dès lors, était la cible de médisances.
Villeray (+28 %) offre une bonne qualité de vie pour les familles. Avec un loyer de 850 $, ce quartier effervescent et facile d’accès compte encore quelques pépites à dénicher parmi les centres sportifs et culturels. Saint Michel (+33 %) et Parc Extension (+21 %) semblent aussi dans le viseur d’une couche de population à la recherche de loyers abordables. Considéré comme le moins séduisant pour le commun des mortels, Montréal-Nord (+25 %) semble l’option la plus économique dans l’agglomération. En dépit de cette hausse généralisée, les logements demeurent accessibles avec des loyers moyens en dessous de 800 $ pour des 4 ½.