Présent au salon du livre de Montréal, Ian Manook, grand nom du polar français depuis le succès de son Yeruldelgger, est venu présenter son dernier livre, Mato Grosso. On en a profité pour discuter avec lui. Du Québec, mettons le cap vers le Brésil !
Il y eut Yeruldelgger, le flic mongol déchu, voilà Jacques Haret, écrivain français qui revient au Brésil, l’un des plus beaux décors de sa vie et sur lequel il a écrit un livre à succès. Sauf que ce qu’il croit s’être passé dans sa jeunesse, n’a peut-être pas été vécu de la même façon par ceux qu’il dépeint. D’une trilogie dans les steppes à un « one shot » dans la jungle, c’est avec le même souffle, mais un style renouvelé, que l’auteur nous bringuebale en pirogue dans les arroyos, au milieu des lianes et des serpents, qui ne sont pas tous des animaux. L’ambiance est lourde, de chaleur, de sexe et de meurtre. Trop lourde pour ne pas avoir à régler ses comptes.
“Je choisis d’abord l’histoire et ensuite le style s’impose de lui-même. Curieusement, Mato Grosso est le premier livre que j’ai vraiment terminé.” Il a fallu du temps. “En 1976, j’ai écrit une première version de ce livre. Dix ans plus tard, j’ai essayé d’y jeter un autre œil, et c’est en 1996 que le style narratif est né.”
Mato Grosso, un meurtre qui révèle l’incompréhension du lecteur crédule, face au vice de l’écriture. “Il y a quelques jours, au petit déjeuner, l’écrivain québécois Jean-Jacques Pelletier a relevé une phrase que j’avais prononcée au cours d’une conférence : “L’écriture est un jeu, pas la lecture’’.“ Pour Ian Manook, lire un roman c’est aimer croire à un mensonge, et Mato Grosso est un livre sur la vérité, pour dire qu’elle n’existe que dans la tête de chacun.
L’histoire de l’auteur avec le Canada est singulière. “La première fois que je suis venu à Montréal, c’était en 1969 et je suis revenu au Québec il y a deux ans à Knowlton. Il y a une spécificité ici, les lecteurs québécois sont plus ouverts, moins chichiteux et directs dans tous les domaines. Les femmes ont l’air plus affirmées dans leur position, c’est vraiment plaisant”.
Plus affirmés les Québécois, mais aussi plus complexés ? “On n’a pas arrêté de me remercier d’être venu au Québec, comme si ça représentait un effort particulier ! Je suis extrêmement content d’avoir été invité parce que le Canada est un pays qui me fascine.” Alors, à quand Yeruldelgger ou un Mato Grosso québécois ? “J’y ai pensé. Je voulais écrire sur l’Alaska mais en fait je me demande si ça ne pourrait pas se faire ici. Il faudrait que je vienne plusieurs mois, pour m’imprégner et trouver un axe original qui soit lié aux natifs. J’aime les cultures qui sont imprégnées de leurs propres sols.”
En attendant de revenir poser ses valises plus longuement au Québec, Ian Manook est en pleine rédaction de son prochain livre : un road trip en Islande. “Une toute petite île où chaque étape sera un emballement, une fuite en avant.” Une saga familiale arménienne est aussi dans les cartons, mais il n’a pas le temps d’en parler davantage : il est déjà temps de retrouver d’autres lecteurs Québécois.