Le gouvernement provincial suspendra pour six mois la délivrance de permis à certains travailleurs étrangers souhaitant s’installer à Montréal. Cette nouvelle mesure qui prendra effet la semaine prochaine provoque de vives réactions dans la communauté immigrante. Que signifie-t-elle réellement ? Décryptage.
Le gel annoncé par le premier ministre du Québec, François Legault est, pour l’instant, temporaire et concerne en réalité moins de travailleurs que ce que l’on aurait pu penser. Elle concerne uniquement les travailleurs étrangers temporaires dans les emplois à bas salaire qui travaillent dans la région de Montréal.
Il faut néanmoins s’attendre à des éventuels changement. Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé en début de semaine un changement de cap concernant l’immigration à l’échelle du Canada. Les règles pourraient bientôt être durcies à travers tout le pays, et plus uniquement à Montréal.
Tout d’abord, seules les demandes dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) seront concernées par ces restrictions. Pendant six mois, il sera plus difficile pour les employeurs d’obtenir des Études d’impact sur le marché du travail (EIMT) favorables pour donner des contrats à des employés étrangers. (L’EIMT est un document que les employeurs canadiens doivent obtenir avant d’embaucher un travailleur étranger. Il sert à prouver qu’aucun Canadien ou résident permanent n’est disponible pour le poste. Le processus peut coûter plusieurs milliers de dollars aux entreprises.)
Dès le 3 septembre, les demandes de PTET qui ne respectent pas les nouveaux critères ne seront pas traitées. Si vous êtes concerné, il est encore temps de déposer votre demande avant que le gel ne prenne effet. Celui-ci doit se terminer le 3 mars prochain.
Précision : Si vous êtes concerné par la mesure, mais que vous avez déjà obtenu votre Certificat de sélection du Québec, vous devenez admissible au Permis de travail ouvert transitoire (PTOT). Avec ce visa, vous pourrez continuer de travailler le temps qu’une décision soit rendue pour votre résidence permanente.
Ce gel soulève bien des inquiétudes, mais il ne concerne en réalité qu’un nombre limité de travailleurs. La suspension vise uniquement les emplois situés dans la région de Montréal, et rémunérés à moins de 27,47 $/heure, le salaire médian au Québec, soit environ 57.000$ par an.
Si vous postulez pour un emploi avec un salaire égal ou supérieur à ce montant, vous ne serez pas concerné par cette mesure. De plus, les travailleurs de certains secteurs comme la santé, la construction, l’agriculture ou la transformation alimentaire seront exemptés.
Cette mesure s’applique exclusivement aux entreprises situées dans la région de Montréal, ainsi qu’à plusieurs municipalités environnantes : Baie‑d’Urfé, Beaconsfield, Côte‑Saint‑Luc, Dollard‑des‑Ormeaux, Dorval, Hampstead, Kirkland, L’Île‑Dorval, Montréal, Montréal‑Est, Montréal‑Ouest, Mont‑Royal, Pointe‑Claire, Sainte‑Anne‑de‑Bellevue, Senneville et Westmount. Si vous travaillez en dehors de ces zones, vous ne serez pas affecté par le gel.
Ce n’est pas la première fois que les conditions du PTET sont ajustées ; ce programme a été conçu pour s’adapter aux besoins changeants du marché du travail. Justin Trudeau assure en ce moment que le Canada n’a plus autant besoin de main-d’œuvre étrangère. Il invite les entreprises locales à engager plus de personnel canadien.
Cette décision du gouvernement québécois suscite toutefois des inquiétudes dans certaines industries. Par exemple, l’Association restauration Québec (ARQ) a exprimé son mécontentement, estimant que cette mesure pourrait aggraver les problèmes de pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de la restauration. L’ARQ a déclaré : « Cette annonce envoie un mauvais message en prétendant que notre secteur n’a pas besoin de travailleurs, alors que c’est tout le contraire. »
Le Conseil du patronat du Québec, pour sa part, déplore les manœuvres visant à réduire le nombre de travailleurs étrangers temporaires. « Cette décision risque de créer des défis importants pour de nombreuses entreprises qui dépendent du PTET pour pourvoir de nombreux postes vacants faute de disponibilité de la main-d’œuvre locale, notamment dans les services, le commerce de détail, la restauration et la fabrication », a déclaré le président, Karl Blackburn.
Cette mesure temporaire est le fruit d’une demande formulée par la province et approuvée par le fédéral. La mesure s’ancre dans une volonté du gouvernement Legault de résorber la crise du logement en limitant l’immigration. Selon François Legault le gel permettra « de retirer 3500 personnes à Montréal sur les six prochains mois ». Le premier ministre du Québec a déjà laissé entendre que sans l’immigration temporaire, il n’y aurait pas de crise du logement.
Cette décision a été instantanément la cible de critiques. Au micro de 98.5, le chroniqueur politique Jeremy Ghio estime que cette mesure ciblée aura un effet mineur sur la crise du logement : « c’est comme si on ciblait vraiment une petite goutte dans l’océan de l’immigration pour montrer qu’on fait quelque chose ».