Que se soit programmée en club ou hors-circuit, la résonance techno apporte un soupçon d’euphorie. Comme par enchantement, on retourne en enfance l’espace d’un instant. Tel le paradis perdu, le spectacle s’apparente à un bac à sable rempli de polissons exaltés sur les pulsations d’un cœur qui bat.
Pourtant, cette dynamique est belle et bien orchestrée par des mélomanes aux mains d’or, suscitant une communion mystique avec son public. Certes, Montréal n’est pas Berlin, mais la ville est depuis des années un des sanctuaires de la musique électronique en, Amérique du Nord, grâce notamment à ses festivals d’été. Mais cette présence va bien au-delà des fameux Piknic Electronik et autres Osheaga. Le reste du temps, cet écosystème montréalais repose sur le travail passionné de collectifs artistiques comme La Bacchanale, Octov et le dernier né, Noreiner.
Depuis un an, Noreiner apporte une pierre à l’édifice des nuits cathartiques. Leur prédécesseurs nommés ci-dessus et qui ont fait la fierté de la scène électro possèdent un point commun: tous originaire de l’hexagone. D’ailleurs, le trio est fier de célébrer son premier anniversaire avec Homegrown Harvest le 4 février prochain aux Entrepôts Dominion.
Dans son mémoire Nouvelles perspectives sur la scène techno montréalaise, Elsa Fortant donne le récit de ces rencontres informelles : « l’immigration européenne et plus particulièrement française est un facteur à prendre en compte dans le développement de la scène techno montréalaise.» À l’instar de la French Touch qui s’est parfaitement exportée dans les années 90, les collectifs de Français apportent leur grain de sel et démocratisent des courants technos qui ne sont pas encore populaires au Québec. Leur pérennité demeure cependant fragile car c’est une activité chronophage dont le capital financier rapporte peu. Le collectif Noreiner joue la carte de la stabilité en misant sur une expérience humaine calibrée.
Lancé en février 2022, Noreiner (du mot foreigner) explore à son tour la production d’événements nocturnes. Le trio composé de Pierre, Simon et Benoît souhaite élever les standards de la scène techno en misant sur la scénographie, une identité chromatique et les jeux de lumières. Aussi, les membres du collectif valorisent les DJ indépendants en dénichant de nouvelles recrues. Le fondateur de Noreiner Benoît G. exprime son implication à cet égard : « j’ai pour habitude d’écouter les démos qu’on m’envoie et de répondre à tous ceux qui ont un intérêt pour nos soirées. C’est déjà arrivé que des DJs qui ont joué chez nous pour la première fois soient programmés ensuite dans de plus gros festivals.»
Venu des marges de la nuit dans les années 1980, ce courant alternatif se fraye alors un chemin dans les réseaux plus institutionnels. En regardant dans le rétroviseur, Elsa Fortant, doctorante en socio musicologie à l’UdeM, identifie des bastions nocturnes : « Dans les années 1990-2000, les afterhours tels que Playground, Sona et Aria et les événements d’envergure comme le Bal en Blanc ont permis de développer cet écosystème. Aujourd’hui, cela se poursuit avec le Stereo et des clubs comme le Newspeak. » – en ajoutant – « La nightlife montréalaise est grandement définie par l’interdiction de la vente d’alcool après 3h00. je suis très prévoyant et j’aime programmer les choses en amont, alors que Benoit lui est plus dans l’action. On a d’une part les bars et clubs qui ferment à 3h et de l’autre une offre nocturne qui s’étend jusqu’aux petites heures du matin, incarnée par le dernier afterhour et les soirées des collectifs (plus ou moins légales).
Dans les années 2010, la techno continue son ascension dans les circuits officiels avec l’Igloofest. Le très populaire Piknic Électronik agrandit le cercle des initiés en proposant des formats familiaux à la bonne franquette. Chemin faisant, ces événements aux expériences dites « immersives » cèdent aux sirènes des commanditaires toujours plus présents sur le site ce qui, obstrue son ADN initial dès lors accessible et sans prétention.
Dans le canal des discothèques incontournables, le Velvet, le New City Gas et le Salon de Daomé accueillent de belles pointures. Néanmoins, une cartographie des nouveaux lieux alternatifs imprègnent aisément un réseau invisible aux allures d’open deck. Récemment, Le Système et Le Nouvel Établissement illustrent les DIY – ces lieux qui servent de tremplin aux artistes émergents qui veulent infiltrer les industries créatives locales.
En s’ouvrant à la relève encore méconnue, Noreiner étend sa programmation sonore vers la trance et la psytrance (trance psychédélique), style plutôt appréciée par le public montréalais. Par ailleurs, le collectif met un point d’honneur à inclure une programmation internationale telle que Dica, Geerson, Rouge, Alphatrax, Reiz et Karl Mx. Après tout, le turnover de Djs donne une valeur ajoutée à ce cercle parfois trop restreint. Ses lieux de prédilection tournent autour de l’Union française, du Livart et de La Shop, tous connus par un public averti.
Pour le moment, les trois compères s’impliquent à 100% comme bénévoles par passion. Ils utilisent les recettes dans l’investissement d’équipements de son et lumière performant. Si Noreiner inclue également des volontaires et des compétences extérieures, c’est avant tout pour améliorer l’expérience des participants. Pierre précise que dû à son expérience et à sa vision, le collectif repose en grande partie sur les épaules de son fondateur Benoît. Qui plus est, l’atout du collectif repose sur leur tempérament organisationnel hétérogène: « je suis très prévoyant et j’aime programmer les choses en amont, alors que Benoît lui, est plus dans l’action. »
Programmer un calendrier qualitatif offre une destinée royale aux collectifs qui se donnent corps et âmes à la créativité. Ces rassemblements à la réputation sulfureuse trouvent tout de même leur légitimité auprès des aficionados et des médias. En dépit d’un lot de polémiques qui planent, ces soirées endiablées figurent comme une parenthèse plutôt libératrice et largement inoffensive.
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