Le Québec, eldorado de l’emploi facile, où l’on trouve “une job” sans difficulté…: l’image a fait rêver pendant des années et poussé de nombreux Français -notamment- à tenter le pari de l’immigration. Seulement le rêve ressemble de moins en moins à la réalité, la faute à une conjoncture nettement moins favorable. Aujourd’hui, les recherches peuvent parfois s’éterniser et se compter en mois.
Depuis février/mars de cette année, les organismes d’aide à l’emploi au Québec sont unanimes, les personnes immigrantes, qui font appel à leur service, mettent désormais plusieurs mois avant de trouver un travail, au lieu de quelques semaines. La coordonnatrice du Réseau national des Organismes Spécialisés dans l’Intégration en emploi des Nouveaux Immigrants (ROSINI), Émilie Bouchard, nous explique que ce phénomène n’est pas rare, « on l’a observé à travers les dernières décennies, quand il y a un ralentissement économique et une hausse du taux de chômage, les immigrants sont les premiers touchés ». En effet, d’après les chiffres de Statistique Canada de juin dernier, le taux de chômage des immigrants vivant au Canada depuis 5 ans et moins a atteint 12,6 % contre 4,3 % pour les natifs du pays. Un grand écart qui s’expliquerait, en partie, par un « manque d’expérience locale », d’après Anthony Migneault, économiste principal à l’Institut du Québec. Il ajoute que « les nouveaux arrivants n’ont pas le même réseau professionnel qu’une personne qui est déjà établie sur le territoire et souvent les postes à combler se font directement en interne ou par référencement ». Les employeurs favoriseraient aussi une main d’oeuvre plus locale en situation de crise, contrairement à « une période de plein emploi, où ils se montrent plus ouverts et embauchent tous types de profils », nous confirme Émilie Bouchard.
Pour freiner l’inflation, la Banque du Canada a dû relever ses taux d’intérêt, « ce qui a eu comme effet de ralentir l’économie et par conséquent, de créer moins d’emplois, en comparaison aux années 2022-2023, au sortir de la pandémie, où il y a eu une forte reprise économique », détaille l’économiste Anthony Migneault. Mais, il estime que la lutte contre l’inflation est plus sévère en Europe qu’au Canada, qui a été plutôt épargné finalement, si on prend l’exemple de la hausse des prix du gaz naturel, suite à la guerre en Ukraine. De plus, il précise que les salaires continuent de croître à un rythme assez élevé au sein des entreprises québécoises, « c’est un signe que les employeurs sont toujours en compétition pour chercher des nouveaux talents », conclut-il.
Actuellement, nous serions donc dans le « creux de la vague », mais « la plupart des économistes s’entendent à dire que la situation devrait s’améliorer dans les prochains mois », nous confirme Anthony Migneault. Ce dernier évoque même une possible embellie d’ici la fin de l’année. Autre bon présage, la Banque du Canada vient de baisser, le 24 juillet dernier, une nouvelle fois son taux directeur et pour les entreprises cette baisse vient réduire directement le taux d’intérêt auquel elles empruntent, ce qui leur permettra d’investir plus facilement, de prendre de la croissance et d’embaucher. Les économistes se disent aussi confiants en l’avenir, puisque le Québec est sujet au phénomène des « baby-boomers », cette génération qui quitte le marché du travail pour prendre sa retraite. La population étant vieillissante, « ils sont plus nombreux que les jeunes ou les nouveaux arrivants pour les remplacer », nous explique l’économiste de l’Institut du Québec. Une situation qui devrait d’ailleurs perdurer jusqu’en 2030.
Enfin, il faut savoir qu’en moyenne, 70% des offres d’emplois disponibles se situent dans le marché dit caché. Faire du réseautage est donc une « tactique importante », selon Angelina Spadaro, coach carrière au Canada. Le réseautage, « c’est créer du lien, c’est faire des suivis c’est avoir un budget café pour remercier une personne pour son temps, c’est de la psychologie, c’est de l’humain », précise-t-elle. Un « sport olympique » qui est très ancré dans la culture du pays : « au Canada le réseautage est plutôt perçu comme un avantage compétitif, recruter est un coût pour une entreprise, si quelqu’un vous réfère pour un travail, l’employeur se dit qu’il prend moins de risque, d’autant plus, si c’est un employé de confiance qui vous a recommandé ». Angelina conseille également de faire jouer son réseau en France, de toquer à toutes les portes et cela peu importe la ville au Canada, de participer à divers événements sociaux ou professionnels comme des salons et des conférences voire même, de recontacter des anciens élèves de promotion. Aussi, elle rappelle l’importance de mettre à jour son profil LinkedIn et d’adapter son CV au modèle canadien, en détaillant ses réalisations, pour rendre son expérience française plus parlante et concrète aux yeux des recruteurs.