Si aujourd’hui le chef montréalais d’origine française Jérémie Falissard se dit être « un cuisinier épanoui », ses débuts en cuisine n’ont pas toujours été faciles. À la tête du groupe de restauration Barroco depuis 2008, il a su se faire une place sur la scène culinaire montréalaise.
Après un BEP sur la Côte d’Azur et différentes expériences dans plusieurs établissements français renommés dont des hôtels cinq étoiles et des étoilés Michelin, il décide de faire une pause. « La cuisine en France, surtout dans ma génération, c’était très strict, se souvient-il. C’était une mentalité un peu à l’ancienne, mentalement et physiquement, ça a été très difficile pour moi en tant que jeune cuisinier. »
Il continue malgré tout à évoluer dans les différentes branches de la restauration, dont l’univers des bars.
Après un passage par Londres, il s’installe en 2005 à Montréal, où il découvre un monde très différent de celui qu’il a connu en France. « Au Québec, ce n’est pas du tout les mêmes codes, c’est plus décontracté, la cuisine est plus ouverte », assure le chef. Une ouverture d’esprit qui se reflète aussi dans la curiosité du public montréalais : « Cela m’a permis de prendre plus de risques et m’a ouvert davantage de portes », se souvient-il.
Trois ans après son arrivée dans la belle province, il ouvre avec son meilleur ami un premier restaurant, le Barocco. Comme il a cessé d’œuvrer en cuisine depuis quatre ans, il décide d’engager un chef pour créer la carte. « Il avait une façon d’aborder la cuisine qui pour moi était très nouvelle, et petit à petit, en l’observant, ma passion pour la cuisine est revenue », se souvient-il. Quelque temps plus tard, le chef quitte son poste. Jérémie se sent alors prêt à reprendre les rênes de la cuisine. « Il avait développé une belle carte et avait fait une grosse démarche au niveau du sourcing… c’est la meilleure chose qui me soit arrivée dans ma vie de chef », confie-t-il.
Même si en tant que propriétaire exécutif il est impliqué dans la gestion du groupe Barroco qui regroupe aujourd’hui neuf établissements, il tient à garder la main aux fourneaux. C’est d’ailleurs lui qui compose les cartes de tous ses restaurants. Et quand on lui demande son secret, il répond sans hésitation : « J’ai la chance d’avoir pu bâtir une excellente brigade, je délègue beaucoup et ça me permet de rester dans la création », poursuit-il.
Toujours à la recherche de l’excellence, Jérémie va puiser son inspiration au cours de ses voyages et de ses stages à l’étranger. « Je m’imprègne de cette philosophie [des chefs avec qui je me forme] de travailler le produit sous plusieurs volets pour pousser les goûts en respectant les produits au maximum », précise-t-il.
Un de ses bars, le Atwater cocktail club, a d’ailleurs pris place dans le prestigieux classement North America’s 50 best bars. Une récompense qui lui a donné des opportunités à l’international : « J’ai fait un événement à Puerto Rico avec deux chefs très renommés, se souvient-il. Pendant plusieurs semaines, on a fait une cuisine au feu de bois en mélangeant la cuisine traditionnelle locale avec mes influences culinaires du nord de l’Espagne et du sud de la France ». Son stage s’est poursuivi au Mexique avec la cheffe du restaurant Pigeon à Mexico, recommandé en 2024 par le guide Michelin.
Alors qu’au Québec, selon l’Association Restauration Québec, le taux de survie des établissements dans la restauration commerciale se situe autour de 6 % après leur quatrième année d’exploitation, ceux du groupe Barroco poursuivent leur activité depuis de nombreuses années. « On a toujours créé de petits établissements chaleureux dans lesquels on privilégie la simplicité, l’accueil et l’ambiance, confie-t-il. J’évite de regarder ce que font les autres et je me concentre sur ce que je fais. »
La crise qui a suivi la pandémie a tout de même touché son activité puisque malgré le maintien de la fréquentation, les clients y dépensent 10 à 15 % en moins, selon Jérémie Falissard. « On a eu beaucoup de remises en question et il a fallu constamment s’adapter à la demande du public », se souvient-il. Par exemple, dans son restaurant Foiegwa, l’équipe a mis en place un menu trois services à 25 $ qu’il est possible de commander de 21 h jusqu’à la fermeture de la cuisine. « Ce genre de changement a amené énormément de monde », illustre-t-il.
Plus récemment, la carrière de Jérémie Falissard a pris un autre tournant : en 2023 il a participé à la saison 14 de Top chef, où il a été éliminé à l’issue du 11ème épisode, terminant cinquième de la compétition principale. « C’était formidable d’avoir rencontré des chefs si renommés en France, d’échanger avec eux et de pouvoir montrer à la France ce que je suis devenu », se réjouit-il. Alors qu’à 40 ans il était le doyen de la compétition, réaliser ce rêve d’enfant lui a permis de se réconcilier avec l’univers de la cuisine de son pays d’origine. Cela lui a aussi apporté de nouvelles opportunités de collaboration. Parmi elles, des projets d’émissions télévisées dont il a gardé le suspens. « Pour la prochaine année, je souhaite surtout me concentrer sur mon image de chef », conclut-il.