La nouvelle est tombée le jour de l’Halloween, déclenchant un vent d’effroi dans la communauté immigrante. Le 31 octobre 2024, le gouvernement québécois a gelé la délivrance des Certificats de sélection du Québec (CSQ), un document essentiel pour obtenir la résidence permanente, dans deux programmes d’immigration. Depuis, les réactions affluent sur les réseaux sociaux : messages indignés, résignés, mais surtout interrogateurs. Nous avons tenté d’éclaircir la situation.
Le gel des CSQ touche deux programmes : le volet « diplômé du Québec » du Programme de l’Expérience Québécoise (PEQ) et le Programme régulier des travailleurs qualifiés (PRTQ).
Le Programme de sélection des travailleurs qualifiés (PSTQ), qui doit remplacer le PRTQ le 29 novembre, sera lui aussi gelé dès son lancement, et ce jusqu’au 30 juin prochain au moins.
Pour le moment, seules les demandes déposées avant le 31 octobre seront étudiées. « Vous avez un droit de traitement acquis », assure Alessandra Attias, consultante réglementée en immigration canadienne. Toutefois, ceux qui espéraient déposer leur dossier prochainement devront attendre la levée du gel, ce qui plonge de nombreux diplômés et travailleurs dans l’incertitude.
NB : La plateforme Arrima, utilisée pour diverses démarches d’immigration, reste active, mais le gouvernement n’enverra plus d’invitations à déposer une demande pour le moment. Pour le moment, vous pouvez simplement déposer une déclaration d’intérêt.
Contrairement aux rumeurs, ce n’est pas l’ensemble du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) qui est gelé, mais seulement le volet « diplômé du Québec ». Le volet « travailleur étranger temporaire », quant à lui, reste accessible pour ceux ayant cumulé ou étant sur le point de cumuler deux ans d’expérience de travail au Québec.
La consternation est palpable, notamment chez les nouveaux diplômés du Québec. Nombre d’entre eux devront quitter le territoire à l’expiration de leur visa post-diplôme s’ils n’ont pas cumulé deux ans d’expérience de travail.
« L’entrée en vigueur le jour de l’annonce, c’est un gros manque de respect », déclare Alessandra Attias, qui dénonce cette méthode du gouvernement Legault.
Le témoignage de Léa*, une jeune professionnelle belge diplômée de HEC Montréal, illustre cette frustration. « Ça fait quatre ans que je suis au Québec, je suis francophone, je paie mes impôts ici, et j’avais la certitude de pouvoir m’établir de façon permanente avec mon diplôme. Et du jour au lendemain, ce n’est plus le cas. En plus, cette mesure est arrivée sans préavis, sans mesure transitoire », déplore-t-elle. Elle venait d’obtenir son permis de travail post-diplôme après six mois d’attente. Elle se préparait à déposer sa demande de CSQ (le dossier était prêt) lorsque la nouvelle est tombée.
Face aux restrictions, certains immigrants envisagent déjà de quitter le Québec pour d’autres provinces canadiennes, s’ils ne rentrent pas dans leur pays d’origine. « Ce qui risque de se produire, c’est un exode », prévient Alessandra Attias. Elle recommandait déjà à certains clients anglophones de poursuivre leurs démarches dans une autre province en raison des exigences québécoises sur le français. Elle en fera désormais probablement de même avec les francophones qui voient les portes se fermer devant eux.
Cette possibilité a déjà effleuré l’esprit de Léa. « Ça donne envie d’aller vivre à Toronto », confie-t-elle.
Alessandra Attias lance un message aux jeunes diplômés. « Si vous n’avez pas confiance en la date indiquée par le gouvernement, que vous avez fini vos études et que vous avez votre permis de travail ouvert, vous pouvez partir travailler ailleurs, ou tenter le processus fédéral », explique-t-elle en faisant référence à l’Entrée express, une option permettant à certains candidats d’obtenir leur résidence permanente sans avoir à obtenir la validation de la province.
Le processus repose sur un système de points. Plus les candidats remplissent de critères (être francophone, travailler dans la technologie, avoir une expérience de travail au Canada, etc…), plus leur score est élevé, ce qui augmente leurs chances de réussite par ce biais. Les sélections s’opèrent généralement selon les besoins des différentes provinces.
À noter : Pour être éligible, le candidat doit avoir l’intention de s’établir en dehors du Québec. « Il faut être sérieux dans son intention de s’installer ailleurs et se faire accompagner dans le processus », souligne Alessandra Attias. Une fausse déclaration pourrait entraîner plusieurs années d’inéligibilité au programme.
* Le prénom a été modifié afin de préserver l’anonymat.