Si les appels aux dons du sang prolifèrent à travers le Canada et le Québec, il n’en reste pas moins que les donneurs sont sélectionnés selon des critères bien établis. Il n’est pas rare que certains nouveaux arrivants, à commencer par les Français, découvrent qu’ils ne peuvent pas donner leur sang en raison de facteurs spatio-temporels.
“J’ai appelé la semaine dernière pour prendre un rendez-vous et après avoir répondu à une série de questions, l’infirmière m’a dit que je ne pouvais pas donner mon sang parce que j’ai vécu en France en 1996”, explique Agathe Royer, montréalaise d’adoption, née précisément le 13 mars 1996 à Grasse. “J’ai appris que c’était lié au risque de transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, aussi appelée “la vache folle“, une pathologie rare mais mortelle qui peut être transmise par le sang”, ajoute la diplômée en architecture qui donnait régulièrement son sang en France.
Même constat pour Karim, un Français qui a voulu donner son sang après avoir aperçu plusieurs campagnes de sensibilisation d’Héma-Québec sur le Plateau, son quartier d’habitation. “Je suis arrivé pour donner mon sang lors d’une collecte qui était organisée et j’ai appris que je ne pouvais pas le faire car j’avais séjourné en France entre 1980 et 1996”, confie celui qui trouve cela un peu “dommage” et qui aurait aimé être mieux averti.
Sur le site d’Héma-Québec et sur celui de la Société canadienne du sang, les critères relatifs aux séjours en France (sauf les territoires d’outre-mer) sont très clairs. Vous serez exclu du don de sang de façon permanente si :
-vous avez séjourné cumulativement trois mois et plus en France entre le 1er janvier 1980 et le 31 décembre 1996 inclusivement;
-vous avez reçu une transfusion sanguine (sang, globules rouges, plaquettes ou plasma) en France, au Royaume-Uni ou dans un autre pays d’Europe de l’Ouest depuis le 1er janvier 1980.
“Ce ne sont pas spécifiquement les Français qui sont exclus mais bien toutes les personnes, peu importe leur nationalité, qui auraient séjourné en France aux dates mentionnées. C’est important de le rappeler !”, nuance Vanessa Jourdain, relationniste de presse à Héma-Québec.
“C’est un critère qui ne changera pas pour l’instant. Tout simplement parce que l’avenir du virus est encore incertain à l’heure actuelle”, a répondu la relationniste, interrogée sur la possibilité que ce critère d’exclusion finisse par être levé.
Sur le site d’Héma-Québec, on lit aussi que “l’avenir épidémique de la vMCJ est encore inconnu. Seulement quelques cas de transmission de vMCJ ont été rapportés à la suite d’une transfusion sanguine. Les produits sanguins sont donc susceptibles de transmettre la vMCJ chez l’humain, bien que le risque soit extrêmement faible.”
“En 2016-2017, un total de 475 donneurs ont été interdits au don de sang en raison du critère sur la variante de la maladie de Creutzfeld-Jakob (vMCJ). La précision sur le lieu du séjour n’est toutefois pas disponible”, a également indiqué Vanessa Jourdain en faisant référence au plus récent rapport démographique d’Héma-Québec.
“Je voudrais faire plus pour la société en général. Je n’ai pas beaucoup d’argent alors je ne peux pas aider les autres financièrement mais donner mon sang, je peux. En tout cas, en France, je pouvais”, confie Agathe, potentielle donneuse universelle (son groupe sanguin étant O-). “Ma mère a été victime d’une hémorragie cérébrale, elle a eu besoin de beaucoup de sang pour rester en vie. Pour moi, le don du sang c’est une manière de rendre à la communauté et de sauver la vie de quelqu’un d’autre. Qui sait.”
À noter enfin qu’au Québec comme en France, les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes peuvent donner leur sang seulement s’ils déclarent une abstinence d’un an. Un critère qui, pour certain·es, peut paraître aberrant comme l’a évoqué OmiSoore Dryden, chercheuse à l’Université Thorneloe : ce sont moins les homosexuels que les relations sexuelles non protégées (y compris hétérosexuelles) qui pourraient avoir un impact négatif sur les dons du sang.
Mise à jour : depuis le 3 juin 2019, les homosexuels peuvent maintenant donner du sang après trois mois d’abstinence plutôt qu’un an. « On est plutôt rassurés, puisque notre position a toujours été que la sélection des donneurs soit faite en fonction des comportements, et non de l’orientation sexuelle », a expliqué Firmin Havugimana, coordonnateur aux communications de l’organisme, lors d’un entretien téléphonique à Radio-Canada.