Ses inspirations ? L’ingénieur et guitariste Steve Albini qui a enregistré Nirvana, les Pixies et PJ Harvey pour le son, et le design scandinave pour la forme et les couleurs rétro. Une symphonie de styles harmonieuse pour le Français Florian Bouyou, qui vend ses guitares en bois canadien jusqu’en Australie. Rencontre électrique avec le musicien designer dans le studio montréalais de sa marque Millimetric.
Entre le dessin et la musique
“Ce serait cool d’être luthier !”, se disait Florian Bouyou lorsqu’il “bidouillait” des guitares tout en poursuivant des études de dessinateur-maquettiste à Paris. Le Breton – qui a bercé pendant des années les oreilles de ses parents au rythme de la batterie à Rennes – cherche alors à se former dans ce domaine. En 2008, il postule à l’école de lutherie-guitare Bruand à Montréal, mais est refusé. Il se rabat sur son deuxième choix : le Cégep du Vieux-Montréal en ébénisterie.
“J’ai toujours été amoureux des meubles, de la décoration, de l’architecture et du design et j’y ai redécouvert la passion du mobilier”, se souvient Florian Bouyou qui suit cette formation pendant trois ans. La dernière année, le Breton, qui a plus d’une corde à son arc, utilise l’atelier mis à sa disposition par l’un de ses professeurs pendant les vacances de Noël pour fabriquer une guitare électrique inspirée des modèles en aluminium de la marque Obstructures. “Je voulais un son qui s’en rapproche et l’érable a une densité proche de celle de l’aluminium (…). Elle était cool, mais j’avais encore beaucoup de choses à apprendre”, confesse le musicien.
Les guitares électriques prennent des couleurs au Souk MTL
Lorsqu’un ami français lui demande peu après de lui fabriquer une guitare, le Breton s’applique. “Je me suis mieux outillé, en utilisant notamment des plaques en aluminium que je faisais découper au laser. J’y ai passé beaucoup de temps et je la lui ai vendue pour 800 euros”, se souvient-il. Son ami peut s’enorgueillir d’avoir fait une très bonne affaire. Car dans les années qui suivent, les créations publiées par Florian Bouyou sur Instagram et Facebook sont repostées par de gros comptes et en 2015, il expose une guitare colorée – “bleu fifties super flashy avec manche en érable” – qui cartonne au salon Souk MTL.
Aujourd’hui, le Français vend ses guitares, basses et guitares baryton faites main sous la marque Millimetric, entre 2 700 et 3 600$ CA, principalement aux États-Unis et en Australie. “Les Canadiens et les Français sont assez conservateurs”, explique le Montréalais qui constate que “les Américains sont plus aventuriers”. Sa clientèle regroupe des passionnés du graphisme et du design mais aussi des connaisseurs, comme le guitariste du groupe Walk the Moon qui a assuré les premières parties de la dernière tournée du groupe Muse.
La passion de Florian Bouyou pour le design scandinave des années 50 influence ses modèles “simplifiés et modernisés, qui font autant référence à des modèles rétro que modernes”. La forme du manche, qui donne un accès plus prononcé aux aigus, fait aussi partie de l’ADN de la marque qui défend une production artisanale et écoresponsable. “Les finitions sont écologiques, je limite les pertes et je n’achète pas de pièces qui voyagent dans la mesure du possible. J’utilise uniquement des bois locaux : de l’érable, du frêne, du merisier, du peuplier ou du noyer noir“, explique le luthier.
“L’esprit entrepreneurial” québécois
Le Breton, qui a épousé une Québécoise, se réjouit d’avoir franchi l’Atlantique. “J’étais tanné de la France et de son état d’esprit ronchon“, avoue celui qui apprécie “l’esprit entrepreneurial plus fort ici” et la souplesse du statut de travailleur autonome. À côté de son activité de lutherie, le Français a également co-fondé le Festival Sonore, qui réunit luthiers et fabricants de pédales chaque mois de septembre au Québec.
Ce qu’on peut souhaiter au Français pour la suite ? “J’aimerais avoir plus de clientes femmes, lance l’intéressé. Pour l’instant, j’ai surtout une clientèle masculine, mais de plus en plus de filles se mettent à la guitare, comme en témoigne l’essor du magazine She Shreds.“ On touche du bois pour qu’il atteigne la parité !