Dans chaque communauté d’expatriés, il y a des figures qui laissent leur empreinte. À Montréal, Julien Tougeron en fait partie. Ancien président de French Tech Montréal et de la Chambre de commerce française au Canada, il a récemment troqué les accélérateurs d’affaires de l’État français pour faire rimer entrepreneuriat et durabilité. Maintenant à la tête de l’Alliance internationale de la biomasse textile, il œuvre pour concrétiser l’objectif 12 du développement durable établi par les Nations unies, celui de la consommation et de la production responsables. Portrait.
Un grand passionné de soccer…
Julien Tougeron est connu pour son engagement dans les institutions françaises à l’étranger. Ces dix dernières années, ce Français du sud de la France a fait son chemin à travers French Tech Montréal, Business France et la Chambre de commerce française au Canada – trois grandes structures mises en place par la France à Montréal pour soutenir l’entrepreneuriat et les entreprises. Ironie du sort, celui qui avoue avoir eu « tendance à fuir les administrations » s’est retrouvé à travailler pour l’État français. « Le fait de vivre à l’étranger et d’être au service des autres, j’ai trouvé ça génial », confie-t-il.
Mais son destin ne le prédestinait pas à l’accompagnement d’entreprises. Au début de sa vingtaine, le football était sa passion : il travaillait pour l’Olympique de Marseille, son équipe de cœur. En 2005, il pose pour la première fois le pied au Canada un peu par hasard pour rejoindre la Fédération canadienne de soccer. « J’ai atterri à Vancouver, une ville que je ne connaissais pas du tout. C’était flou pour moi », raconte-t-il. À part Véronique Sanson, personne ne parlait de Vancouver, ajoute-t-il amusé. La chanson en question.
… et d’entrepreneuriat
De retour dans sa région natale après quelques années au Canada, il participe à la fondation de la French Tech Aix-Marseille. En 2017, il retourne à Montréal et se voit confier les rênes de Bleu Blanc Tech, la French Tech de Montréal. La mission de ce réseau ? Fédérer, accélérer et faire rayonner les entreprises technologiques françaises à l’étranger. À l’époque, l’organisme ne répond pas encore aux critères officiels de l’État français. Un défi qu’il relève avec son équipe, jusqu’à obtenir la labellisation et à faire décoller le réseau.
Deux ans plus tard, en 2019, Julien Tougeron devient directeur Canada Invest chez Business France, l’agence nationale de développement économique français. Sa mission : accroître l’attractivité du territoire français vis-à-vis des entreprises canadiennes et québécoises.
De 2022 à 2024, il dirige la Chambre de Commerce et d’Industrie Française au Canada, qu’il décrit comme « un port d’attache » pour les Français et Canadiens sur leurs marchés respectifs. Il y crée Le Transatlantique, un accélérateur qui a soutenu une centaine d’entreprises depuis.
« Comme tous les ports, Montréal est un carrefour, un mélange de cultures, de technologies et d’approches », ajoute-t-il, heureux d’évoluer au cœur d’un écosystème bouillonnant d’innovation.
Engagement pour le textile durable
Aujourd’hui, Julien Tougeron concentre son énergie sur le textile éco-responsable. L’an dernier, il a pris la direction de Véloise, une entreprise spécialisée dans le textile biosourcé, fabriqué à partir de matières premières végétales, non alimentaires, renouvelables et compostables, comme les tiges de maïs, les feuilles ou la poussière de bois. Sur le plan scientifique, il s’agit de l’acide polylactique (PLA), une alternative durable au polyester qui, lui, provient du pétrole.
« La durée de vie du polyester est de deux ans. Quand le vêtement, qui est fait de microplastiques, part à l’enfouissement… il met en moyenne 400 ans à se dégrader », explique-t-il. L’industrie textile représente 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et 85% des textiles produits finissent au dépotoir au cours de la même année.
Le tissu fabriqué par Véloise s’ancre dans une lutte éco-responsable. Sa durée de vie est deux fois plus longue que celle du polyester, il ne contient aucun microplastique et se dégrade en moins de deux ans lorsqu’il est jeté. Un défi d’ordre économique toutefois : il coûte quatre fois plus cher que le polyester classique. L’innovation a cependant séduit plusieurs marques de luxe européennes, qui l’ont adoptée pour créer leurs produits.
Ensemble pour aller plus loin
Conscient que leur idée pouvait être imitée, Julien Tougeron a pris la décision de partager son brevet pour créer une dynamique collective. « On ne pèse rien sur le marché, on est microscopiques, on a 35 salariés. J’ai contacté tous nos concurrents pour leur donner notre brevet. Ils m’ont pris pour un fou », raconte-t-il amusé.
En 2024, ce brevet est devenu la base de l’Alliance internationale de la biomasse textile, qui fédère plusieurs entreprises autour de standards éco-responsables et lutte contre le greenwashing.
L’Alliance est désormais alignée sur l’objectif 12 du développement durable de l’ONU, qui vise à garantir des modes de consommation et de production durables.