Anne Gaignaire, 42 ans, journaliste depuis 20 ans, est une ancienne de l’ESJ Lille. Après avoir vécu de sa plume en Afrique et en Nouvelle-Calédonie, elle a posé ses valises au Canada il y a 8 ans. Avec « Le Curieux », son journal numérique dédié aux enfants de 8 à 12 ans, cette passionnée d’actualité décortique les sujets « chauds » et fait la chasse aux « fake news ». Même les parents en redemandent.
« J’ai toujours trouvé important que les enfants soient en mesure de comprendre le monde dans lequel ils évoluent », confie Anne, aussi mère de famille, qui se donne pour mission de « construire » des adultes responsables et des citoyens éclairés. « L’actu est un beau prétexte pour transmettre des valeurs, développer l’esprit critique, faire le plein de culture générale, etc. Je veux vraiment m’adresser à l’enfant qui entend et reçoit des infos de partout sans forcément comprendre, car les sources d’informations ne sont pas à sa portée ».
Après avoir été pigiste et réviseure-correctrice pour plusieurs titres de presse québécois comme La Presse, Le Devoir, L’Actualité ou Les Affaires, elle a décidé de tourner la page. « Ça a été concomitant à une certaine lassitude du métier aussi. (…) J’avais envie de me lancer dans un projet qui faisait plus de sens, un peu plus créatif », raconte la quarantenaire pro-active.
C’est en janvier 2015 que le virage s’opère définitivement avec les attentats contre Charlie Hebdo en France. « J’ai trouvé ça très difficile et injuste, à la fois en tant que Française mais aussi en tant que journaliste. Les journalistes de Charlie étaient des icônes de la liberté d’expression (…) », se souvient celle qui, rapidement, a cherché à expliquer l’impossible à ses enfants. « Ils avaient 5 et 8 ans à l’époque et je ne savais pas quoi leur dire. Ils sont venus à la manifestation à Montréal avec moi mais ils avaient du mal à mesurer l’impact. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé qu’il n’y avait pas de journal au Québec qui expliquait l’actualité aux enfants. »
Cap sur l’interactif
Du moins, pas comme elle l’entendait, avec cette envie de « casser les codes ». « Ma maquette ressemble plus à celle d’un magazine de divertissement pour enfants mais l’information est sérieuse. Ici, il y a bien quelques titres pour enfants qui existent mais rien qui ne lie assez le numérique à l’interactif », raconte la Française dont l’idée de départ était de produire une version pour enfants de La Presse+. « C’est un format intéressant pour tout faire : du texte, de la vidéo, de la BD-reportage, des galeries photos, etc. À l’avenir, j’aimerais faire de la réalité augmentée et de la vidéo 3D aussi ».
Pour parvenir à ses fins, elle se consacre aujourd’hui corps et âme à son projet qui lui tient particulièrement à cœur. « Mes parents achètent Le Monde et Libération tous les jours. (…) Je viens d’une famille politiquement engagée, mon grand-père était résistant, ça m’a toujours beaucoup marquée. Avec Le Curieux, c’est peut-être bizarre, mais j’ai l’impression de poursuivre un peu son combat, de rendre justice. »
Si elle est pour l’instant seule aux commandes de son journal numérique, elle a, très tôt, su s’entourer des bonnes personnes. C’est au Startup Weekend Femmes en 2016, après avoir pitché son idée que son projet a été repéré. Elle a obtenu le prix coup de cœur et avec lui, la certitude que son concept tenait la route. Ensuite, tout s’est accéléré, HEC oblige. « J’ai fait l’incubateur de HEC Montréal entre novembre 2017 et juin 2018, c’est ça qui m’a donné le coup de pouce principal. En mars, j’ai lancé un dossier par mois que je faisais toute seule, mise en page comprise. Je l’ai diffusé auprès des enseignants. En juin, il y avait environ 300 élèves dans le grand Montréal qui le testaient tous les mois », raconte Anne qui a reçu de bons échos et qui ne cesse de peaufiner son bébé numérique.
Après avoir expliqué le conflit en Syrie, le sommet du G7, le ramadan, la canicule, les élections provinciales, elle prépare maintenant un dossier sur la prochaine légalisation du cannabis au Canada. « Il y a aussi plein d’adultes qui lisent Le Curieux car ils ne comprennent pas forcément l’actualité. C’est comme un deuxième marché auquel je n’avais pas pensé ! ».
Enfin, pour lier l’utile à l’agréable, la journaliste aguerrie propose aussi des ateliers d’éducation à la formation dans les écoles : comment reconnaître une « fake news » ? Comment faire une recherche sur internet en s’assurant que les sources utilisées sont fiables ? « Les professeurs ont ce rôle à jouer mais ils ne savent pas forcément le faire. De mon côté, cela me permet aussi de faire connaître Le Curieux », confie Anne qui utilise ses connaissances à bon escient.
Pour les “curieux” (petits ou grands) qui auraient envie de s’abonner, comptez 80$ pour 10 publications. C’est bon pour votre culture générale…