Alors que le premier Congrès DÉFI VÉGÉBIO aura lieu ce samedi 26 mai 2018 à Montréal, on a voulu en savoir plus sur l’épineuse question des pesticides et de leurs différences d’usages des deux côtés de l’Atlantique. Louise Vandelac, professeure à l’Université du Québec à Montréal, aussi directrice du Collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les politiques et les alternatives (CREPPA) a accepté de répondre à nos questions.
“Le Canada autorise encore 46 substances actives interdites depuis longtemps dans les autres pays”, affirme d’emblée Louise Vandelac. C’est aussi ce que souligne le rapport sur “L’impact de l’Accord Économique et Commercial Global entre l’Union européenne et le Canada (AECG/CETA) sur l’environnement, le climat et la santé”, remis au Premier ministre français, le 7 septembre 2017. On y apprend que “du côté canadien (…), la protection de l’environnement n’est pas encore au coeur de la politique agricole canadienne et les exigences environnementales demeurent bien moindres que dans l’UE (…).”
“Alors que le glyphosate a été déclaré, dès 2015, potentiellement cancérigène chez l’humain par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé et qu’aux États-Unis, 3 500 victimes de cancers non hodgkinien (attribués aux herbicides à base de glyphosate (HBG)) poursuivent Monsanto (le fabricant du Roundup), cela n’a pas empêché le Canada de réhomologuer le glyphosate pour 15 ans en avril 2017″, a indiqué la spécialiste avant de nous rappeler que dès 1995, le Canada a autorisé les cultures OGM (maïs, soja, canola) dont la principale caractéristique est d’absorber sans en mourir des herbicides à base de glyphosate. “Depuis, les usages d’HBG ont été élargis à toutes les cultures et à toutes les étapes de production au point de représenter désormais, au Canada, 56% des pesticides agricoles et 44% de ceux du Québec*.”
Alors quelle est la part de ces enjeux économiques dans la ré-autorisation, jusqu’en 2032 du glyphosate ? La question se pose. “Sans doute majeure car il est difficile de croire que cette décision ait été fondée sur le document “Glyphosate: projet de décision de réévaluation PRVD2015-01″ de l’ARLA (2015), dont les bases scientifiques sont si inadéquates, partielles et partiales qu’elles en minent toute crédibilité”, explique Louise Vandelac, co-auteure de l’Avis d’objection à la décision de réévaluation RDV2017-01 sur le Glyphosate.
La directrice du CREPPA a aussi rappelé qu’en Europe, où les recherches scientifiques, la mobilisation d’un million de citoyens et la publication des “Monsanto Papers” ont mis en évidence les lacunes majeures des dispositifs d’évaluation scientifique, “la ré-homologation du “glyphosate” adoptée fin novembre 2017, a été réduite à 5 ans, alors que la France vise à se défaire des HBG d’ici 3 ans”.
“Malheureusement, les avancées des politiques publiques en matière de protection de la santé et de l’environnement, prévalant en Europe et en France, risquent d’être grignotées, voire battues en brèche par la mise en oeuvre du traité de libre-échange Europe Canada. Un dossier à suivre, des deux côtés de l’Atlantique, avec vigilance”, a prévenu Louise Vandelac qui tiendra justement une conférence sur le sujet ce samedi 26 mai dès 10h45 à l’UQAM, salle Marie-Gérin Lajoie. C’est un rendez-vous.
* Bacon, M-H, Vandelac, L. & S. Petrie, « Pesticides : le Talon d’Achilles des politiques alimentaires canadiennes et québécoises », La Revue canadienne des études sur l’alimentation, 2018.