“Ce n’est pas un échec mais pas ce n’est pas une réussite non plus ! C’est un essai”, nous a confié Nicolas Letenneur, 49 ans, qui vient de fermer sa biscuiterie dont on avait parlé ici. Il aura tenu 10 mois avant de mettre la clef sous la porte. Retour sur son expérience et sur les raisons de cette déconfiture, sans langue de bois.
“L’emplacement de ma boutique n’était pas le bon et j’ai fait une erreur de positionnement aussi”, estime le Normand qui, au départ, avait prévu de ne faire que de la vente corporative. “Finalement, je me suis lancé dans de la vente au détail, j’y ai mis tout mon temps et tout mon argent, en vain. Je n’aurais pas dû ouvrir au public”, raconte Nicolas très lucide sur la situation qu’il a appris à assumer malgré le choc. “Je suis hétéroclite dans mes choix et j’aime prendre des risques ! Je suis aussi un champion quand il s’agit de m’embarquer dans des trucs que je ne maîtrise absolument pas”, explique le père de famille qui avait flairé la mauvaise affaire quelques mois seulement après le début de son aventure entrepreneuriale.
Alarmé par ses “chiffres”, il réalise rapidement qu’il ne tiendra pas le coup longtemps. “Pour parvenir à mes fins, il aurait fallu que 300 clients achètent tous les jours mes produits ! Parfois, j’en avais 100 et d’autres fois, 10. Ce n’était pas viable”, avoue l’entrepreneur qui aurait été victime des habitudes de consommation locales. “Un Québécois n’aura pas de mal à mettre 25$ ou 30$ dans une boîte de chocolats. Mais face à des biscuits, ils sont déjà plus sceptiques”, raconte le Français qui était aussi passé par le SAJE Montréal (NDLR : un organisme qui aide les entreprises à se développer) avant de se lancer. À cela s’ajoute, la taille du marché montréalais qu’il convient de prendre en considération avant de se lancer tête baissée. “Montréal est un village, c’est un tout petit marché ! Cela s’en ressent au quotidien”.
Un secteur “mort” et une clientèle difficile
Son client idéal ? Il l’aurait trouvé au coeur du Plateau Mont-Royal. Autrement dit, “des Français qui ont entre 25 et 35 ans et qui ont un peu les moyens, du moins assez pour ne pas hésiter à claquer quelques dollars dans des cookies”, raconte Nicolas dont la boutique était au carrefour de Ville-Marie, du Village et du Plateau. “J’ai eu beaucoup de clients qui rentraient mais qui n’achetaient pas ! J’ai même fini par diversifier mon offre en proposant des pizzas, de la crème glacée…”, raconte celui qui voyait ses économies fondre à vue d’oeil. “Il n’y avait pas assez d’activité dans ce secteur là. Proche du Parc Lafontaine, il ne se passe rien le week-end ! C’est mort, c’est dur.”
Si c’était à refaire, il commencerait par enquêter plus longuement sur la clientèle et la vie du quartier ciblé. Il diminuerait aussi ses ambitions. “Je me suis laissé manger par mon petit magasin de détail”, estime finalement Nicolas qui avait toujours rêvé d’avoir son petit café de quartier avec une clientèle fidèle. “J’ai perdu de l’argent, c’est sûr ! Mais je ne suis pas à la rue”, raconte celui qui a tout de même laissé 200 000 $ d’économies personnelles dans ce projet.
À celles et ceux qui envisagent d’ouvrir une entreprise au Québec, le passionné de cuisine prodigue quelques conseils. “Mettez votre argent au frais, ne l’utilisez pas, laissez-le fructifier et empruntez au maximum. C’est ce que j’aurais dû faire ! C’est comme cela que ça fonctionne ici”, prévient Nicolas qui conseille de se méfier des “consultants” qui connaissent bien le marché des investisseurs, tout émerveillés, qui débarquent de l’étranger. À commencer par les Français.
“Prenez aussi un bon avocat et bon comptable. Et surtout, évitez de vous associer ou de faire affaire avec vos proches, cela finit rarement bien”, confie celui qui en a déjà fait les frais. À l’avenir, il espère mettre sur pied un organisme qui viendrait en aide aux jeunes défavorisés, au sein de sa petite ferme en Estrie, pourquoi pas. Un projet humain qui lui tient à coeur. À suivre…