C’est bien connu, à la fin de l’été, les arbres se parent de couleurs jaune ou orange. Mais c’est surtout en Amérique du Nord que le spectacle est saisissant. Été indien, nature des arbres ou températures, à quoi est dû ce phénomène multicolore dans la Belle-Province ? C’est la question bête de la semaine.
Tout est d’abord question de manque de soleil, dû à la photopériode, c’est-à-dire la réduction des jours comparé aux nuits. Concrètement, à cause du manque de luminosité, un phénomène de sénescence a lieu à l’automne : la sève et autres éléments nutritifs s’acheminent moins bien dans les feuilles, qui produisent donc moins de chlorophylle, le pigment responsable de la couleur verte. Place alors aux anthocyanes (rouges), aux carotènes (oranges) et aux xanthophylles (jaunes) : la forêt présente alors ses apparats d’automne.
Mais ces pigments ne sont pas présents dans les mêmes proportions selon les espèces. « On retrouve des forêts flamboyantes dans tout l’Est l’Amérique du Nord, que ce soit au Québec, au Nouveau-Brunswick, amis aussi dans le Maine et le Vermont aux Etats-Unis », précise Michel Labrecque, chef de la division recherche et développement au Jardin Botanique de Montréal. Si ces régions sont dotées d’espèces d’arbres plus riches en pigments qu’en Europe ou Asie, (érables à sucre, chênes argentés, bouleaux…) d’autres facteurs entrent en jeu pour expliquer ce panaché de couleurs si typique de « l’été indien ».
« Si on transplante par exemple un érable rouge en Europe, les couleurs ne s’exprimeront pas de la même manière », explique le chercheur. En effet, les premiers gels de la fin septembre et du début octobre, couplé à la baisse des jours, favorisent le développement des pigments. L’équipe de recherche de Michel Labrecque a d’ailleurs mené une étude en reconstituant une forêt typiquement québécoise dans un Biodôme, où, pour des raisons techniques, les températures ne pouvaient pas descendre sous la barre des 5 degrés Celsius. Résultat ? Les coloris obtenus n’étaient pas aussi vifs que ceux observés dans la nature.
Si la constitution des sols n’est pas un facteur déterminant (« une forêt ne se développerait pas naturellement sur un sol pauvre »), une grande latitude de température entre le jour et la nuit accentue encore plus le phénomène. C’est d’ailleurs pour cette raison que les couleurs à Montréal sont moins spectaculaires cette année. La très forte chaleur des journées de septembre, couplée à la sécheresse, a atténué le phénomène dans la Cité Lumière, « ce qui n’est pas le cas en Gaspésie par exemple, où la fin de l’été a été plus fraîche”, explique le chercheur. D’où des couleurs plus vives au Mont-Tremblant, qu’au Bois de Vincennes…
Pour ceux qui ne se satisferaient pas de cette explication scientifique, une légende amérindienne, héritée des Hurons, raconte une toute autre histoire. Un jour, à une époque où Humains et Animaux vivaient en harmonie, une compétition a eu lieu pour déterminer l’animal le plus rapide de la forêt. Mauvais perdant, le Cerf tourna le dos aux autres participants et s’en alla vers la Terre d’en Haut. Le juge de l’épreuve, l’Ours, le rattrapa pour le réprimander. La situation dégénéra, et Cerf blessa Ours violemment à coup de bois. Le sang qui jaillit de la blessure tomba sur la terre. Terre, qui, en colère, teint désormais chaque automne ses forêts de la couleur du sang versé, en mémoire de la paix brisée.
Quant à Cerf, il est maudit (canadien !). Chaque année, ses bois tombent et le laisse vulnérable dans la forêt, deux lunes après que la dernière feuille rouge ait touché le sol…
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