C’est une grosse semaine pour les auteurs d’Astérix. Le scénariste Fabrice Caro, alias Fabcaro, à la plume, et Didier Conrad, au crayon, signent Astérix en Lusitanie, le nouvel album de voyage de l’irréductible Gaulois. Depuis aujourd’hui, il trône dans les rayons, attendu avec impatience par des millions de lecteurs. Mêlés d’appréhension et d’excitation, les auteurs nous ont parlé de ce nouvel opus qui nous emmène… au Portugal.
Voyage au pays de la Saudade
Saviez-vous que la tradition veut que les albums d’Astérix alternent entre une aventure « à la maison » et un album « en voyage » ? Deux ans après L’Iris blanc – et comme toujours, deux ans pile, pas plus, pas moins – les deux irréductibles Gaulois font escale au Portugal.
Cette fois-ci, le dessinateur Didier Conrad s’est appliqué à ancrer cette aventure dans un pays identifiable : « On peut reconnaître les Portugais rien que par leur comportement. Ils ont vraiment un état d’esprit avec cette Saudade qui est caractéristique. »
Et dans ce voyage, Obélix, fidèle à lui-même, aura du mal à comprendre tout ce qui l’entoure : « Ce que je préfère à chaque fois dans les albums de voyage, c’est Obélix qui essaie de s’adapter à la culture du pays, mais qui a du mal », s’amuse le scénariste Fabcaro. Voyager, c’est aussi manger autrement : il devra troquer le sanglier pour la morue.
Fabcaro prend ses marques
Avec Astérix en Lusitanie, Fabcaro signe son deuxième scénario. Une expérience plus sereine que la première, mais toujours chargée d’humilité : « J’étais plus stressé sur le premier parce que je prenais mes marques, je ne savais pas si j’étais capable de faire la série. Mais là je sais que je sais à peu près faire Astérix. »
Le scénariste s’applique à entretenir l’héritage de René Goscinny, pour qui il nourrit un profond respect : « Son écriture de génie traverse les époques. Depuis sa mort, on essaie de le perpétuer. »
Les Gaulois face au monde
Astérix, c’est avant tout une histoire de résistance. Une idée qui trouve écho un peu partout, et tout particulièrement au Québec, une province francophone entourée d’un vaste territoire anglophone.
« On se sent tous résistants sur un îlot quelque part, contre quelque chose », explique Fabcaro. « On se sent toujours en minorité quelque part », renchérit Didier Conrad. Une philosophie qui trouve écho dans la diffusion même de la série : Astérix est aujourd’hui traduit en plus de 130 langues et dialectes, dont le basque.
« Astérix avait commencé comme un parallèle pour la résistance face à l’envahisseur allemand. Après, c’est devenu la résistance des Français face à l’Amérique qui prend toute la place », poursuit Didier Conrad.
Et Fabcaro fait allusion, avec humour, aux récentes ambitions du président Donald Trump vis-à-vis du Canada : « C’est d’autant plus présent chez vous, vous êtes juste à côté, et Trump veut bientôt acheter le Québec, ça doit décupler votre sentiment de petit village gaulois », plaisante-t-il avec bienveillance.
Une universalité intemporelle
Astérix est la bande dessinée la plus lue de toute la francophonie. Son humour touche des millions de personnes, tous âges confondus. « Le génie de Goscinny a fait qu’il a su raconter des histoires avec plusieurs niveaux de lecture. Un enfant de 10 ans peut se marrer, mais quelqu’un de 50 ans peut aussi trouver des thématiques très adultes, contemporaines et sociétales », souligne Fabcaro.
La longévité d’Astérix repose sur un équilibre délicat : parler de tout sans jamais coller à l’actualité.
« L’écriture de Goscinny, ça suit l’ère du temps sans suivre l’actualité. Les sujets sociétaux traversent les époques, tandis que l’actualité se démode assez vite », observe Fabcaro. Les films et séries, comme Le Combat des chefs sur Netflix, peuvent, eux, jouer davantage avec les codes du moment – un rythme différent, mais toujours dans le même esprit.
Et pour continuer de plaire aux jeunes, inutile d’en faire trop, selon le scénariste : « Il ne faut pas chercher à plaire aux ados, mais à trouver une écriture universelle. L’écriture est chirurgicale, et c’est ça la vraie potion magique. »
Des héros à taille humaine
Dans un monde saturé de super-héros américains, Astérix et Obélix continuent de faire de la résistance : « Je trouve ça miraculeux qu’un petit bonhomme né dans les années 60, franchouillard avec une moustache, résiste à Batman, Spiderman et Avengers », se réjouit Fabcaro.
Et ces héros traversent les générations, aimés pour leurs imperfections : « C’est des héros qui nous ressemblent, qui sont râleurs, plein de travers, plein de défauts, et malgré tout, quand il faut, ils se surpassent », poursuit le scénariste.
Et après ?
L’aventure ne s’arrête pas là. Depuis 1959, Astérix a parcouru de nombreuses contrées, mais il en reste encore quelques-unes en réserve. La Pologne, la Hollande ou encore la Finlande réclament la venue des deux Gaulois. « Chacun a envie d’un Astérix dans son pays », glisse Fabcaro.
Et c’est peut-être là la véritable magie d’Astérix : un petit village gaulois qui, 65 ans plus tard, continue de faire voyager la francophonie toute entière.