Après les boules colorées suspendues sur Sainte-Catherine — peut-être pour la dernière fois cette année, l’autre question qui taraude souvent les nouveaux arrivants au sujet du quartier gay (ou “gai”, comme on l’écrit ici) est celle de son nom. Pourquoi Le Village ? On a demandé à Alexandre Chanady, chargé de projet au Conseil québécois LGBT d’éclairer nos lanternes.
“Avant les années 80, ce n’était pas du tout un quartier LGBT, il faut le rappeler ! C’était un quartier de travailleurs”, raconte Alexandre Chanady qui s’intéresse aussi aux processus historiques qui ont mené à l’émergence du Village pour son mémoire de maîtrise. Il faudra attendre la Révolution tranquille pour que le gouvernement décide d’y implanter les locaux de Radio-Canada et de certaines entreprises dites médiatiques. “Au début du 20e siècle, c’est aussi là que sont nées les premières institutions culturelles de Montréal (…). C’est un quartier dont la dynamique a beaucoup changé au fil des siècles”. Et qui continue d’ailleurs de se transformer.
Quant à son nom, Le Village, il serait intimement lié aux émeutes de Stonewall à New York dont on fête le 50e anniversaire cette année, ce 28 juin exactement. “Ces émeutes ont eu lieu à Greenwich Village. Elles ont incarné le début du mouvement d’émancipation. Et quand Le Village a émergé en tant qu’espace LGBT en 1982/1983, certains Montréalais ont commencé à dire que c’était leur “Greenwich Village” à eux et c’est devenu leur “Village””, explique simplement le chargé de projet pour justifier cette appellation trouvée collectivement.
En 1969, au Québec, les émeutes de New York seraient passées sous le radar, selon La Presse. “C’est l’année où le gouvernement canadien a adopté le bill omnibus pour décriminaliser l’homosexualité entre adultes consentants au pays”, rappelle le militant pour la diversité sexuelle Laurent McCutcheon. “À mon avis, cette loi fédérale est un symbole très important.”
Plusieurs petits “Villages” dans Montréal
Où commence et où s’arrête ce fameux Village montréalais ? Difficile à dire car les délimitations sont assez floues. “Officiellement, il serait délimité par les rues Saint-Hubert, Ontario, Papineau et René-Lévesque. Mais on se rend compte que la présence LGBTQ+ à Montréal s’étend bien au-delà de ce quadrilatère là”, estime Alexandre Chanady, conscient que chacun conçoit Le Village à sa façon. “Pour certains, il s’étendrait jusqu’à Saint-Denis voire même Saint-Laurent parce qu’on y retrouve le Cabaret Cleo avec des performances burlesques et queer régulièrement. Avant les années 70, c’est là que se concentraient les institutions LGBTQ d’ailleurs”.
Le Mile-End, le Plateau, le Sud-Ouest sont aussi devenus des petits “Villages” à part entière si l’on en croit le spécialiste. “Il y a de plus en plus d’établissements queer friendly dans ces quartiers là ! Montréal se “queerise” depuis 5 ou 6 ans, et Le Village n’est plus du tout le ghetto de la communauté LGBT”, confie l’habitué du Village qui voit cet “éclatement” du quartier gay d’un bon oeil.
Pour info/rappel, la Marche des Fiertés aura lieu le 18 août à Montréal cette année !