Eva Rostain a deux passions : la musique et l’humour. Cette Française implantée au Québec depuis 10 ans a choisi de réunir ses réseaux dans une même entité, As One Production, la première agence de promotion des talents musicaux et humoristiques francophones. Rencontre avec cette passionnée.
« Je voulais vraiment relier mes réseaux ensemble », explique Eva Rostain. Depuis début mai, la trentenaire s’est lancée dans un ambitieux projet : la création d’une « agence de spectacles destinée aux artistes francophones dans l’humour et la musique ». Le principe d’As One Production ? Faciliter la venue et la production de talents français au Québec, et vice versa. Eva Rostain a puisé dans ses expériences passées diversifiées pour se constituer à la fois le réseau, et l’expertise.
« Je m’intéresse particulièrement au hip hop et au RnB », explique-t-il. Elle est d’ailleurs la cofondatrice des soirées Nike Ta Mère à Montréal. Un concept de « soirées à l’ancienne », créé un peu au hasard (« mon amie Rafa a mis du son, et l’ambiance est partie ») en 2017. La troisième édition, en novembre dernier, a attiré 550 personnes au Belmont. Et une quatrième édition y est prévue le 13 juin. Au programme, Mc Ekinoxx et DJ Calvin Hobbz, pour une soirée qui se veut « 100% rap et RnB français des années 90 ».
C’est dans ce premier domaine qu’Eva a tenté plusieurs expériences à Montréal. Quand elle débarque au Québec en 2009, le moral n’est pas au beau fixe. Elle a raté, à seulement quelques points, son BTS Tourisme qu’elle suivait à Nice. Alors quand son cousin – gérant d’une entreprise d’export de produits alimentaires – lui propose de venir travailler avec lui, elle accepte. Son visa Jeune Pro en poche, elle découvre l’effervescence des soirées montréalaises. Un monde totalement nouveau pour la jeune femme de 25 ans. Puis, elle postule à un PVT et travaille dans un centre d’appel pour des assurances. « Un agent de l’immigration m’a fait un visa de sponsor qui m’a permis de rester cinq ans, avec cet employeur », explique-t-elle.
Le déclic, Eva Rostain l’a lorsqu’un de ses contacts lui propose de figurer dans un clip hip hop de l’artiste Va CAY. Ce passage à l’écran est le premier d’une longue série. « Je suis alors repérée, je fais partie de Good & Shy, qui produit des clips. Alors je fais d’autres figurations ». Puis, l’envie lui prend de découvrir le monde caché derrière la caméra. D’abord comme bénévole, puis comme travailleur autonome, elle gère le tournage de clips et noue de nombreux contacts avec des Djs et artistes du hip hop. Elle cite, entre autres, « Corneille et le rappeur Izzo ».
Si c’est en forgeant qu’on devient forgeron, c’est en produisant qu’on devient productrice. « En 2013, je monte une agence de production toute seule, Roseva Production », explique l’entrepreneuse. « Un vrai plus pour la visibilité ». Cette structure lui permet de se professionnaliser et d’accepter de plus grosses missions auprès de productions comme Olympia. En particulier, elle se spécialise dans la préparation de tournée pour artistes français en venue au Québec, comme pour l’artiste Boho. Elle organise les concerts des têtes d’affiche Kalash et Gradur, lors de leur venue dans la Belle-Province. Touche-à-tout, elle travaille aussi pour le Festival Mural en tant que deuxième coordinatrice de projets.
Une fois sa résidence permanente en poche, en 2015, Eva Rostain laisse tomber son 9 à 5 dans les assurances. Un changement de rythme qui lui permet de consacrer plus de temps à ses aspirations événementielles. Entre temps, elle travaille avec une autre Niçoise, Karine Bocchi, CEO d’une conciergerie de luxe, TraveLICE. Inspirée, Eva fini par lancer sa propre conciergerie en 2017. « Eva conciergerie » restera finalement dans les cartons, puisque c’est aussi à cette période qu’elle lance les soirées « Nike Ta Mère », avec son amie « Ra ». La somme de ces diverses expériences se retrouvent aujourd’hui dans les missions d’As One Production.
L’autre volet cher à Eva, c’est l’humour. Elle a notamment facilité la venue de l’artiste Noman Hosni en octobre dernier, juste après la légalisation du cannabis. « Je lui ai trouvé une salle, il a fait fumer de la weed aux spectateurs, tout le monde s’en souvient ! », raconte-t-elle. Eva Rostain a d’ailleurs lancé sa première soirée d’humour le 16 mai dernier, toujours au Belmont, sa salle fétiche. Une première avec un public « 100% français », et « de bons retours », se félicite-t-elle.
« Il y a beaucoup de plateaux d’humour à Montréal, mais je voulais cibler les Français ». Selon elle, les Gaulois auraient un humour spécifique, et serait un public « coupe-gorge » : « soit ils adorent, soit ils détestent ». Un public exigeant, qui mérite des spectacles dédiés. « Avec l’augmentation de l’immigration française à Montréal ces dernières années, les concepts comme Bleu Blanc Rires sont attendus », explique-t-elle.
Le prochain rendez-vous du rire, lui, aura lieu le mardi 11 juin, encore et toujours au Belmont. « Le Joker est un nouveau concept de soirée destiné à un public français sur Montréal », explique la fondatrice de l’agence. « L’objectif est de donner une plateforme de plus à des humoristes de France lors de leur venue pour tester leur matériel, et aussi pour les Québécois qui veulent venir en France ». Le rendez-vous sera mensuel dans un premier temps, et pourrait passer en hebdomadaire. Parmi les six humoristes accueillis, il y aura toujours au moins un Français, explique-t-elle. Mais les projets d’Eva Rostain ne s’arrête pas là. « On pourrait viser l’Afrique francophone aussi, comme Dakar ! ». Affaire à suivre.