Elle est née au Québec, a été élevée en France puis est revenue vivre à Montréal. Atlantide Desrochers est une enfant “transatlantique“ par excellence. La Montréalaise vient de voir son premier roman édité simultanément dans les deux pays. Elle est aussi la papesse de la lutte anti-gaspillage qui, depuis quelques mois, agite le Plateau Mont-Royal. Rencontre.
Son premier livre est à peine mis en vente qu’elle a déjà terminé le troisième, celui qui bouclera sa trilogie. Pas de répit pour Atlantide Desrochers, qui aime écrire sur son balcon, en plein hiver avec des gants et devant ses voisins circonspects. Celle qui vient d’être reconnue par l’Union des écrivains.es québécois (Unec) passe des heures à inventer des fictions, empruntant largement à ses deux patries, et à sa double culture.
Arrivée bébé en Bretagne, suite au divorce de ses parents, Atlantide Desrochers n’a pas un parcours de vie linéaire. Aujourd’hui, cela l’amuse, même si ça n’a pas toujours été une partie de plaisir. « Quand je suis arrivée en France, suite à une erreur de consulat sur mes papiers, je suis devenue Ophélie. Ce n’est que plus tard que je me suis rendue compte que je m’appelais Atlantide. » Dans les premières années de sa vie, Ophélie donc, grandit au milieu des livres dans un univers très littéraire. Sa maman enseigne les lettres. Alors, elle sait lire et écrire à 4 ans, rêve de devenir poétesse à 6 ans et engloutit tout Stendhal à 12 ans.« Je n’ai jamais rien fait comme les autres. »
À 16 ans, la jeune fille aux longs cheveux bruns est distinguée dans sept prix littéraires régionaux. Pourtant, les aléas de vie l’écartent de l’écriture. Et lorsqu’elle débarque à Montréal, à l’aube de sa majorité, Ophélie redevient Atlantide. Une autre vie commence.
Oubliant la ville de son enfance, Dinard (qu’elle ne porte pas vraiment dans son coeur), elle découvre à Montréal une autre mentalité, de nouvelles possibilités, des opportunités multiples. Se réconcilie avec la confiance et éloigne (un peu) ses doutes et ses tourments. Elle y devient maman de trois enfants, fait du Plateau son nouveau port d’attache et à ses heures perdues, écrit sans pour autant publier.
Et puis un jour d’été 2018, Atlantide Desrochers retrouve l’un de ses anciens manuscrits. Elle décide de le retravailler, et l’envoie illico à des sociétés d’éditions. « J’agis au feeling, j’ai une idée, je fonce. J’ai envoyé à plusieurs éditeurs le même jour et j’ai obtenu trois réponses positives. » Six mois plus tard, elle n’en revient toujours pas : il n’y a pas longtemps, alors qu’elle flânait dans les allées de la librairie Renaud-Bray, grande enseigne montréalaise, elle découvre« là, au milieu de tous les autres titres », son livre : Générations transatlantiques, distribué par Hachette. « Ce fut un choc, raconte Atlantide Desrochers avec le sourire. Mon livre était posé entre Ken Follet et John Irving ! » Pas si pire pour une première parution !
« Ça y est, je suis là où je dois être », affirme avec satisfaction celle qui remue aussi terre et ciel pour une cause qui lui est chère : le gaspillage alimentaire. À l’origine du groupe Partage et solidarité, elle a miss en place, sur le Plateau Mont-Royal, des frigos solidaires offrant aux plus démunis des denrées alimentaires gratuitement. Son objectif : qu’il soit interdit de jeter les invendus alimentaires. Une pétition est en ligne, Manon Massé (l’une des leaders du parti politique Québec Solidaire) la soutient, et la presse s’est emparée du sujet. « Ce n’est pas acceptable aujourd’hui que ce soit celui qui fouille dans les poubelles qui soit illégal. C’est celui qui jette des produits alimentaires tout à fait consommable qui devrait être puni. J’aimerais tellement qu’on arrête de niaiser sur ce sujet. Agnès Varda en parlait déjà il y a vingt ans. Qu’a-t-on fait depuis ? »
Une vingtaine de commerces a rejoint sa cause. Et Atlantide Desrochers dit réfléchir à une nouvelle action. Quant à la France… c’est presque de l’histoire ancienne pour celle qui est devenue une figure du Plateau.