« Le Monde est à toi ». C’est le titre du deuxième long-métrage du réalisateur Romain Gavras, venu présenter son film à Cinemania. On a discuté avec lui de ses inspirations, de son choix d’acteurs et de Montréal. Une ville qu’il aime beaucoup (autant que Dunkerque, qui l’eût cru).
Huit ans après son premier film, « Notre jour viendra », le cinéaste français d’origine grecque, a voulu revenir avec une « architecture de film classique. » L’intrigue ? « Un mec normal qui perd son argent et qui veut se « refaire », en préparant le casse du siècle », résume le co-fondateur du collectif Kourtrajmé dont on va reparler.
« Sur « Notre jour viendra », j’étais beaucoup plus jeune, c’était de l’expérimentation. Le public était resté perplexe. Là, j’ai fait un film de divertissement, pas un doigt d’honneur », explique Romain Gavras en demandant un deuxième café au serveur du Sofitel.
« J’ai voulu faire une cartographie de notre époque »
À l’instar de son premier long-métrage, « Le Monde est à toi » est un roman d’apprentissage d’un jeune homme qui veut devenir adulte. « C’est l’histoire d’une personne lambda qui veut s’échapper de la voyoucratie, et qui est oppressé par sa mère », raconte Gavras avant d’ajouter que son film c’est l’inverse de Scarface.
On y retrouve Karim Leklou qui joue le rôle principal aux côtés d’Isabelle Adjani et Vincent Cassel. Deux têtes du cinéma français, mais pas que. « On avait deux acteurs connus, des acteurs montants comme Sofian Khammes et d’autres qui n’avaient jamais joué. Avec ce mélange, chacun était au meilleur de lui-même. Ça tire vers le haut, forcément. »
Dans le film, chaque personnage a une identité forte. Vincent Cassel, par exemple, incarne Henri, un vieux bandit perdu en quête de sens. « Henri, c’est typiquement le mec qui n’a pas vu les années 2000, où il est resté en prison à se droguer. En sortant, il passe son temps à regarder des vidéos des théories du complot Illuminati ! »
On retrouve, également, l’exceptionnel Philippe Katerine en avocat adepte des affaires de banlieues. « Un avocat basique dans un film, c’est un passeur d’informations, c’est hyper ennuyant. Philippe Katerine, quand il parle c’est de la poésie », lance Romain Gavras, encore sous le charme.
Illuminati, trafics de migrants, deals, le goût pour le luxe : autant de thèmes abordés qui n’ont pas été choisis au hasard. « Je voulais faire une photo instantanée de notre époque, une cartographie. Pas un seul thème en particulier », indique le fils de Costa-Gavras. « Des histoires racontées, des comparutions immédiates au tribunal, des potes qui sont devenus dealers, des vidéos débiles sur internet. J’ai voulu donner, à travers le film, des signes sur notre temps. Une sorte de brouillard mental ambiant sur notre époque. »
Un habitué de Montréal
Romain Gavras a tourné à Montréal plusieurs fois déjà, notamment pour la réalisation d’une publicité pour Adidas en 2011, « Is all in » avec l’agence Sid Lee. « On a tourné un peu partout dans le monde, mais le montage était centralisé à Montréal. C’est une ville que j’aime beaucoup », déclare le réalisateur encore jetlagué, depuis son arrivée la veille.
Pour la suite, le cinéaste français a déjà commencé l’écriture de son troisième film et ne veut pas en parler par « superstition ». Ce qui est certain c’est qu’il n’a surtout pas envie « d’attendre 8 ans » pour faire son prochain long-métrage. Récemment, il a aussi ouvert, avec le collectif Kourtrajmé, une école gratuite de cinéma à Clichy-Montfermeil destinée aux jeunes de quartiers. Le but ? Les aider à intégrer le milieu du septième art, sans condition de diplôme. Et si c’était votre tour ?