Plus encore que les Québécois qui ont l’habitude des méandres de leur fiscalité, les expatriés français peuvent commettre bien des erreurs en déclarant leur revenu au Québec. Voici 10 conseils pour éviter d’y perdre son latin… et quelques plumes.
Tout d’abord il faut déterminer le lieu de sa résidence fiscale qui ne dépend pas seulement de la durée du séjour sur le territoire, comme l’explique Benoît Poudrette, CPA Associé du groupe Hébert Crispo. «Ce n’est pas parce qu’on reste 183 jours par an au Canada qu’on devient nécessairement résident fiscal canadien. Il faut voir plus loin que ça (…). Votre résidence principale, votre famille, vos liens économiques (où vous gagnez le plus d’argent dans une année)… », sont par exemple des critères qui pourront être utilisés. Plus d’informations ici.
Mais attention, être résident fiscal canadien ne vous dispense pas de déclarer en France certains revenus de source française, comme par exemple les revenus d’un bien immobilier mis en location. Inversement, si vous restez résident fiscal français, attention à vos revenus de source canadienne imposables au Canada. Les conventions fiscales signées par la France et le Canada en 1975 et le Québec en 1987 organisent la répartition de l’impôt et permettent d’éliminer les cas de double imposition.
Par ailleurs, si vous avez quitté la France pour vous installer au Québec au cours de l’année 2017, n’oubliez pas que « ce qui a été fait avant dans la même année doit être déclaré en France et qu’il faut faire la déclaration d’impôt en France », rappelle Benoît Poudrette.
Comme aux Etats-Unis, le fisc canadien impose ses résidents sur leurs revenus mondiaux. « Les résidents canadiens doivent déclarer leur revenu mondial, incluant les revenus de biens immobiliers en France », explique Alain Grondin, CPA et fondateur du cabinet éponyme. « Le Canada accordera un crédit d’impôt sur les impôts payés en France sur ce revenu pour éviter la double imposition », précise-t-il.
Si l’on reçoit une retraite française, elle doit être déclarée mais n’est pas imposable au Canada. « Dans la convention fiscale entre le Canada et la France, il existe une clause pour exonérer les revenus de pension français de l’imposition au Canada, explique Alain Grondin. Il faut cependant déclarer au fisc canadien le revenu de pension français sur une déclaration canadienne et du Québec s’il y a lieu, et demander une déduction équivalente dans la déclaration pour annuler le revenu. Le gouvernement canadien demande systématiquement des explications sur cette déduction lors de la première année de la réclamation. »
Lorsque l’on réside au Québec, il faut produire deux déclarations : l’une au niveau fédéral auprès de l’Agence du Revenu du Canada (formulaire de déclaration ici), l’autre au niveau provincial auprès de Revenu Québec (formulaire ici). Les dates limites de déclaration pour l’année 2017 sont précisées ici et ici. Pour effectuer les déclarations, il faut avoir un numéro d’assurance sociale (NAS) pour établir son identité.
Même en l’absence de revenu imposable, on doit déposer une déclaration notamment lorsqu’on souhaite solliciter des crédits (vérifiez si vous devez produire une déclaration ici et ici).
Au Canada l’employeur déduit l’impôt à la source directement sur votre salaire. Les travailleurs autonomes payent leur impôt par acomptes provisionnels tout au long de l’année.
Pour les Français qui arrivent, il y a donc une superposition d’impôts entre la France et le Canada qu’ils ont souvent négligé d’anticiper :« La première année, quand un expatrié arrive ici, l’une des surprises c’est qu’il continue à payer des impôts en France (impôts par exemple de l’année 2017 qu’il va payer en 2018) et en plus il va se faire retenir de l’impôt canadien parce que c’est retenu à la source. Il faut donc le prévoir dans le budget familial », explique Benoît Poudrette. Ceci bien sûr tant que la réforme fiscale prévue en France ne sera pas mise en oeuvre (plus d’informations ici).
« C’est l’une des grandes différences avec le système français, constate Benoît Poudrette. Ici on fait une déclaration pour chacun des individus. Chaque individu fait une déclaration, c’est à dire conjoint et conjointe séparément ».
Selon Benoît Poudrette, l’allocation canadienne pour enfants (ACE) est souvent oubliée : « Les gens sont souvent mal informés sur l’allocation canadienne pour enfants. J’ai beaucoup de clients qui ne l’ont pas demandée. On a le droit de la demander 18 mois après l’entrée au Canada », précise-t-il.
On peut également demander un crédit pour frais médicaux et ce dès la première année. Benoît Poudrette recommande de vérifier si on y a droit même si on n’a pas effectué de grosses dépenses de santé. « Les gens négligent cela car on a le droit de réclamer ce qui est au-dessus de 3% du revenu familial. Ils oublient que la prime de la mutuelle fait partie des frais médicaux,» précise-t-il.
Oublier cette obligation peut coûter cher. « Il faut déclarer sur un formulaire T1135 les biens détenus à l’étranger si l’ensemble des biens ont une valeur de plus de 100.0000 dollars canadiens, explique Alain Grondin. Cette obligation est seulement présente à la deuxième année de résidence : le gouvernement canadien accorde une année de grâce. La pénalité pour non-production est de 2.500$ par année maximum. » Voir le formulaire ici.
Lorsqu’on arrive au Canada, il faut évaluer son patrimoine. Alain Grondin en explique la raison avec l’exemple des biens immobiliers : « La disposition de biens immobiliers français déclenche au Canada un gain en capital sur la plus-value. Le Canada n’imposera que la plus-value pendant la période de résidence, les nouveaux résidents doivent faire un bilan de leurs avoirs à l’étranger et attribuer une juste valeur marchande à la date d’entrée au Canada. Cette valeur marchande pour les fins canadiennes uniquement devient le prix payé pour le nouveau résident. Lors de la vente, le prix de vente moins la juste valeur à la date d’entrée donnera la partie imposable au Canada ». Cette évaluation de patrimoine inclut par ailleurs les actions, oeuvres d’art, etc… Plus d’information ici et ici.
Les déclarations en ligne sur Impôtnet sont possibles uniquement à partir de la deuxième déclaration (plus d’infos ici et ici).
Benoît Poudrette conseille néanmoins de ne pas remplir manuellement les formulaires papier, ce qui génère selon lui plus d’erreurs. « Il y a de bons logiciels qui existent », remarque-t-il. Et si c’est votre première déclaration: « Cela n’empêche pas d’utiliser un logiciel, vous avez juste à l’imprimer ». Les logiciels les plus connus sont Impôt Expert et Impôt Rapide.
Conservez vos déclarations et documents justificatifs pendant au moins 6 ans car ils pourront vous être demandés.
Et si vous constatez des oublis, corrigez-les. « Si on n’a pas déclaré de revenus, il y a le processus de divulgation volontaire auprès du Revenu Canada et revenu Québec », indique Benoît Poudrette. « Cela signifie qu’on paie les impôts et les intérêts mais qu’on n’aura pas les pénalités. »