L’idée vous a peut-être déjà effleuré l’esprit en arrivant Canada : vous la couler douce de l’autre côté de l’Atlantique en profitant de vos allocations chômage versées par Pôle Emploi. Quand bien même cela est parfaitement illégal au-delà de 34 jours passés à l’étranger sur une période d’un an. Que risque-t-on si l’on continue à toucher ces allocations au-delà de la période légale ? Éléments de réponses.
Lorsque l’on quitte la France pour s’installer dans un pays étranger membre de l’Union européenne (UE) pour chercher un emploi, l’Etat français, à travers Pôle Emploi, ne laisse pas ses ressortissants sans ressources : il les aide à s’installer en leur distribuant des allocations chômage pour une période déterminée. Mais contrairement à ce qui est en vigueur dans les pays de l’UE et de l’Espace économique européen (EEE), aucune allocation chômage n’est délivrée pour les travailleurs français recherchant un emploi aux Etats-Unis ou au Canada. Mieux vaut le savoir.
D’après Claire Arenales, porte-parole du service mobilité internationale de Pôle Emploi, “les citoyens français qui quittent l’Espace économique européen, comme tous les demandeurs d’emploi, disposent de 34 jours d’absence autorisée hors du territoire”. Selon elle, cela permet au demandeur d’emploi de voyager tout en percevant ses allocations chômage. Cela leur permettrait également de se rendre directement sur place pour rechercher un emploi. Néanmoins, si le chercheur d’emploi dépasse le nombre de 34 jours autorisés à l’étranger, alors ses droits seront gelés et il ne pourra pas toucher ses allocations chômage.
Mais il arrive que certains Française ne déclarent pas immédiatement leur installation à l’étranger et continuent à percevoir des allocations. C’est le cas de Kévin* venu s’installer à Montréal il y a quatre ans qui avoue avoir joué avec le feu. Après une dizaine d’années à travailler dans la communication graphique en banlieue parisienne, il a posé ses valises au Québec. “Je n’avais pas du tout prévu de quitter la France, c’est l’amour qui m’a mené ici et je n’avais pas beaucoup d’économies de côté”, raconte simplement le jeune homme, conscient d’avoir menti. “J’avais expliqué à ma conseillère que je prévoyais de m’installer ici, alors que j’avais déjà déménagé…”, se souvient celui qui cherchait à se donner bonne conscience. “J’avoue que les entretiens par visio-conférence m’ont sauvé la mise, explique le trentenaire en faisant référence au suivi réalisé par l’équipe de mobilité internationale de Pôle Emploi qui accompagne les demandeurs d’emploi français à l’étranger. “Il m’arrivait de me connecter à 4h du matin, heure de Montréal, pour parler à ma conseillère comme si de rien n’était. Très pratique mais pas très honnête, je le conçois”, lance le Français qui n’est pas le seul à avoir franchi ce cap frauduleux.
Comme lui, Linda* a profité de ses allocations au-delà des 34 jours autorisés. “J’ai suivi mon conjoint qui avait décroché un emploi à Québec. Mais moi je n’avais encore rien trouvé”, lance la jeune femme qui n’a pas profité longtemps du système. “En 2 mois et demi, j’ai trouvé un job”, raconte celle qui ne considère avoir “tant fraudé que ça”. “Je considère ces allocations comme un dû, j’ai travaillé pour pouvoir ensuite en profiter”, lance celle qui craignait quand même de devoir rembourser les allocations versées à un moment donné.
S’ils s’étaient faits prendre ? Pôle Emploi n’aurait pas été tendre. Dans le cas où une personne ne déclare pas son départ à l’étranger et continue à toucher les allocations chômage comme si elle résidait en France, il faut évidemment s’attendre à des sanctions. “Si Pôle Emploi s’aperçoit d’un cas de fraude à l’allocation, le demandeur d’emploi devra rembourser les allocations indûment versées”, explique Claire Arenales, porte-parole du service mobilité de Pôle Emploi. “Ce fût le cas par exemple d’une Française partie travailler à Hong-Kong sans déclarer son départ. Après plusieurs absences aux différentes convocations proposées par son agence, Pôle emploi a pris des mesures de contrôle nécessaires (qui passent notamment par les réseaux sociaux, ndlr) qui ont permis de confirmer son activité en Chine. Le montant injustement touché a dû être remboursé”. S’il lui était impossible de fournir des chiffres quantifiant la fraude aux allocations à l’étranger, Claire Arenales confie que “cela reste très rare”.
Pour lutter contre cette fraude, Pôle Emploi déclare posséder “plusieurs moyens pour s’en rendre compte”. Pourtant, interrogé à propos des actions mises en place, mais aussi des moyens et des sommes investis dans le cadre de cette lutte, Pôle Emploi préfère ne pas donner plus de précisions. Si l’on peut comprendre que les réseaux sociaux sont un outil efficace pour déceler de potentielles fraudes, il est difficile d’en savoir plus. Au sujet de la communication avec les différents établissements de recherche d’emploi à l’étranger, l’organisme français n’a encore une fois pas souhaité communiquer, peut-être pour éviter de donner des idées à de potentiels futurs “fraudeurs”.
* Nous avons utilisé des pseudonymes dans l’intérêt des personnes interviewées
Article rédigé par Daisy Le Corre et Andoni Ospital