Entre les Français et les Québécois, les mots et expressions portent parfois à confusion et se prêtent à certains quiproquos — souvent hilarants. Si, comme nous, le mot “maringouin” vous intrigue par sa consonance autant qu’il vous fait sourire, cet article pourrait éclairer vos lanternes. Vous pensez que c’est un mot d’origine amérindienne? Que nenni.
D’abord est-ce qu’on parle bien de la même chose? D’après la préposée aux renseignements entomologiques de l’Espace pour la vie de Montréal, Marjolaine Giroux, “les moustiques français sont comme les nôtres. Leur anatomie, leur biologie et cycle de vie sont similaires, ils appartiennent à la famille des Culicidae. Certaines espèces présentes en Europe peuvent toutefois être différentes de celles trouvées ici.”
Qu’on l’appelle “maringouin” ou “moustique”, on parle bien de ce petit insecte qui pique et qui produit un bruit insupportable quand il vole.
D’après Jean Bourassa, biologiste et professeur émérite en entomologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières, l’origine du mot “maringouin” reste énigmatique. “Il dériverait d’un mot sud-américain véhiculé par les explorateurs avant d’être adopté par les francophones d’Amérique, notamment au Québec. Il aurait été emprunté à des langues tribales brésiliennes, celles des Tupis et des Guaranis, dont les mots marvi, maruim et mbsarigui étaient accolés à la dénomination de ces insectes. Encore aujourd’hui, au nord du Brésil, on appelle ces derniers maringouy,” écrit-il dans son ouvrage intitulé “Le Moustique, par solidarité écologique”.
Dans son article intitulé “Des pays de maringouins”, Steve Canac-Marquis, quant à lui, ajoute que “c’est par l’entremise de marins normands participant à l’époque à des expéditions commerciales dans cette région [NDLR: du Brésil] que le mot mbarigui, devenu maringouin en français, s’est répandu dans les colonies françaises, dont la Nouvelle-France, la Louisiane, les Antilles et l’île de la Réunion.”
Jean Bourassa précise aussi que c’est dans des textes de 1702 à 1712, que le mot “maringouin” apparait tel qu’on l’utilise aujourd’hui. “Trévoux emploie maringouin dans son dictionnaire publié en 1743 ; ce mot concerne alors un petit insecte piqueur rencontré dans les îles d’Amérique (Antilles) et au Canada, alors qu’en France on le nomme cousin.”
Enfin, comme l’explique encore Jean Bourassa d’après le récit de Pehr Kalm, un naturaliste suédois qui a rapporté les observations tirées de son voyage au Canada en 1749, “maringouin était un mot utilisé régulièrement par les colons français qui aurait été hérité des sauvages. Ceux-ci l’auraient adopté lors des premiers contacts avec des explorateurs revenant d’Amérique du Sud. Ainsi, pour le naturaliste Jacques Rousseau, le mot maringouin ne serait pas un canadianisme, malgré ce qu’on pourrait croire.”
Steve Canac-Marquis souligne également que “le mot maringouin est encore d’usage courant en Normandie, aux environs de Honfleur” et qu’il est un “témoignage de ces relations passées entre les habitants des côtes brésiliennes et normandes”.
Aujourd’hui? Au Québec, le terme demeure aussi vivace que l’insecte qu’il désigne et dans la langue soutenue, le terme moustique tend à remplacer le bon vieux maringouin, pour reprendre les termes de l’Office québécois de la langue française!