Elles quadrillent la ville et les espaces publics, vestiges d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître comme chantait Aznavour. Vous les avez sûrement remarquées sans trop y prêter attention : ces bonnes vieilles cabines téléphoniques battent encore le pavé à Montréal. Il y en a partout mais à quoi/qui servent-elles ? On a mené l’enquête.
Alors que cette technologie préhistorique est en voie de disparition dans nos sociétés de geeks ultra-connectées où les smartphones (cellulaire, pardon) règnent en maître — à Paris, le clap de fin des cabines est annoncé pour cette année, Londres n’en comptera que la moitié en 2022 pendant que New York en transforment certaines en bornes wifi —, comment se fait-il que Montréal garde son mobilier urbain vintage en l’état ? Nous avons passé près de 3h devant les téléphones payants à l’entrée du Métro Mont-Royal. Résultats des courses : personne n’est jamais venu glisser 50 ¢ dans la fente de la machine surveillée. Aucun usager, mis à part (ironie du sort) des passants qui se postaient juste devant pour tapoter sur leur clavier de téléphone portable. Les temps sont durs pour les cabines téléphoniques.
Afin d’obtenir des réponses à nos questions, nous avons passé quelques coups de fil, via la cabine la plus proche de notre quartier de prédilection — dont on taira le nom. Scoop : si l’on en croit le principal opérateur sur l’île, elles auraient leur utilité, et seraient parfois même utilisées. « Bien que l’usage des téléphones publics soit en constant déclin depuis plusieurs années dû à la croissance des communications sans fil, Bell continue de s’assurer qu’ils restent accessibles et abordables, particulièrement dans les endroits où il y a un fort achalandage comme les centres d’achats, les aéroports et gares, hôpitaux et centres communautaires », nous a expliqué Marie-Eve Francoeur, responsable de la communication de Bell au Québec.
Le coût de la téléphonie mobile au Québec, parlons-en. Des forfaits aux prix exorbitants (comparés à la France) : environ 45 $ chez Bell pour seulement 1 Go de données, 60$ pour 6Go chez Vidéotron, sans compter les taxes… La cabine téléphonique est donc parfois le seul moyen de communication accessible et abordable pour une certaine partie de la population.
Dans son dernier rapport sur la question, le Conseil de la Radiodiffusion et des Télécommunications Canadiennes (CRTC) signale que : « Les téléphones publics jouent encore un rôle important pour les personnes en situation précaire, les itinérants, celles et ceux qui sont victimes d’abus ou qui n’ont pas les moyens de se payer un cellulaire et doivent appeler les services d’urgence, médicaux ou sociaux. Mais aussi dans les régions rurales où le service sans fil n’est pas toujours accessible. »
À quelle fréquence sont-ils réellement utilisés? Existe-t)il un « business caché » de la cabine téléphonique à Montréal ? Impossible d’avoir des estimations quand aux nombres d’appels émis via ces téléphones payants dans la province. Bell et le CRTC n’ont pas répondu nos questions. L’opérateur a également refusé de divulguer les chiffres liés aux revenus ou aux pertes liés à leurs machines installées au Québec.
Reste que si les cabines squattent encore le paysage urbain montréalais, leur nombre est en chute libre dans tout le Canada. Il est passé de 85 000 en 2013 à environ 55 000 téléphones fonctionnels aujourd’hui. « Les appareils n’ont généré que 22, 2M de $ de revenus en 2016 contre 64 M en 2012 dans tout le pays » toujours selon le CRTC et son dernier rapport de surveillance des télécommunications.
Conclusion : dépêchez-vous d’aller les prendre en photos ou de faire un selfie à côté de ces cabines cultes, elles sont tellement photogéniques. À tel point que vous pouvez partager vos clichés avec le hashtag #BellPayPhoneProjet, le nom du compte instagram de Bell qui leur est dédié. Une façon de leur donner une seconde vie avant que leurs combinés téléphoniques ne raccrochent définitivement…