Pourquoi le beurre d’ici n’est-il presque jamais utilisé dans les viennoiseries au Québec ?

Pourquoi le beurre d’ici n’est-il presque jamais utilisé dans les viennoiseries au Québec ?

Par Aurélia Crémoux / Le 27 octobre 2025 / Question bête

Si les boulangeries ne manquent pas au Québec, la plupart des viennoiseries sur leurs étals sont fabriquées avec du beurre venu d’Europe (France, Belgique) ou de Nouvelle-Zélande, premier exportateur mondial de produits laitiers. Nous avons mené l’enquête pour comprendre pourquoi.

Pas assez gras

« Pour faire des viennoiseries, il faut un beurre de 82 à 84% de matière grasse, mais le beurre canadien, en général, contient plus d’eau », explique Patrick Le Jallé, enseignant à l’École Hôtelière de Montréal Calixa-Lavallée et consultant en boulangerie.

Selon la Commission canadienne du lait, le beurre canadien se compose typiquement de 81% de matière grasse et de 16 à 18% d’humidité.

Le beurre de tourage est utilisé pour les viennoiseries, le « tourage » étant l’une des étapes clés de fabrication de la pâte feuilletée. Sa teneur en matière grasse atteint généralement 84 %, et il se travaille beaucoup plus facilement que le beurre que l’on trouve en épicerie.

Difficile à travailler

Attention : il existe bien un beurre de tourage canadien à 82-84 %, mais selon Patrick Le Jallé, son goût et sa plasticité diffèrent. Il serait plus difficile à travailler. Le consultant explique que le régime alimentaire des bovins pourrait en partie expliquer cette différence de texture et de qualité.

Nans Roche, propriétaire de l’établissement Un instant en Provence et pâtissier de formation, explique par exemple que, pour faire les viennoiseries, son équipe utilise un beurre belge de la marque Corman. « Il a un goût prononcé et se travaille facilement », ajoute-t-il.

Patrick Le Jallé se souvient d’ailleurs qu’à l’époque où il travaillait en boulangerie, le beurre importé arrivait déjà en plaquettes prêtes à l’emploi, contrairement au beurre canadien, ce qui rendait le tourage beaucoup plus facile.

Un marché différent

La recette originale du croissant est née à Vienne en 1683, mais celle que nous connaissons aujourd’hui a été mise au point au début du XXᵉ siècle par un chef français. La tradition européenne aurait ensuite été introduite au Québec par des immigrants venus du Vieux Continent.

Si la consommation de viennoiseries n’est pas aussi ancrée qu’en France, Patrick Le Jallé, installé au Québec depuis une trentaine d’années, constate une évolution du marché. « Beaucoup essaient [désormais] de faire leurs propres viennoiseries », remarque-t-il. Mais l’offre de beurre de tourage canadien reste insuffisante pour répondre à la demande.

En 2022, le Journal de Montréal expliquait que le Conseil des Industriels laitiers du Québec était convaincu qu’il y avait un savoir-faire à développer. « C’est certain que c’est un marché très petit et que ça demande beaucoup d’investissements pour la taille du marché », précisait toutefois Charles Langlois, son directeur général.

Un permis d’importation pour le beurre

Si le beurre importé reste l’ingrédient de prédilection pour les viennoiseries au Québec, son achat nécessite une certaine organisation.

« Il faut demander un permis à la Commission canadienne du lait, cela coûte 40 dollars et il faut le renouveler chaque année, précise Nans Roche. On obtient ensuite un code qui permet de commander le beurre à des fournisseurs qui le font venir [généralement] de Belgique, de France ou de Nouvelle-Zélande.»

En plus d’avoir un permis, les entreprises doivent estimer avec précision le volume de beurre dont elles auront besoin pour l’année à venir, précise Nans Roche. « Il faut faire ensuite un rapport mensuel pour préciser le nombre de kilogrammes de beurre d’importation que l’on a acheté et à quel prix, poursuit le propriétaire d’Un instant en Provence. À la fin de l’année, on reçoit un rapport qui récapitule les déclarations mensuelles, on le signe et celui-ci permet de renouveler le permis pour l’année suivante.»

Il ajoute que le prix du beurre importé varie selon la quantité commandée : plus le volume est important, plus le coût par kilogramme diminue. Pour sa part, il paie 19,95 $ le kilo pour le beurre d’importation, soit environ le double du prix du beurre ontarien qu’il utilise pour ses pâtisseries, sa pâte sablée et ses plats à emporter.

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