Le festival Art Souterrain fête son dixième anniversaire cette année. Après avoir offert l’année dernière une réflexion sur le jeu, le festival consacre sa nouvelle édition au thème du travail. Cela tombe bien, il se trouvera sur le chemin du bureau de bon nombre d’entre vous ! 98 projets de 94 artistes seront à découvrir dans le réseau souterrain de Montréal et autres lieux satellites, du 3 au 25 mars 2018.
Un festival fondé par un galeriste français
C’est au Français Frédéric Loury que l’on doit l’idée d’Art Souterrain dont il est le fondateur, commissaire et directeur général. Propriétaire d’une galerie à Montréal, il a commencé par présenter des projets hors les murs “pour casser une routine de travail“, raconte-t-il. Au bout de quatre ans, “l’idée a germé de casser les cloisons entre les institutions, les galeries, de façon à mettre à disposition des oeuvres de haute qualité, qui questionnent souvent des enjeux de société et plus largement notre époque (…) pour créer un dialogue avec le public“, commente Frédéric Loury.
Le festival était né, explorant au fil des années l’espace public souterrain de Montréal tout en intégrant progressivement dans le parcours quelques lieux satellites (centres d’artistes, galeries, musées…), afin d’enrichir encore la passerelle créée entre l’art et la vie quotidienne.
Parcours et thème de la 10ème édition
Cette année, le festival démarrera lors de la Nuit Blanche le 3 mars et se poursuivra durant trois semaines, dans un réseau souterrain s’étalant du Complexe Guy-Favreau au 1000 de la Gauchetière (parcours souterrain ici). Pour compléter le parcours, les expositions satellites pourront être découvertes notamment à l’Espace d’exposition Ubisoft, la Grande Bibliothèque, la Fonderie Darling et l’Arsenal Art contemporain Montréal (liste complète ici).
La thématique choisie, “Labor Improbus” (“le travail acharné” en latin) devrait donner matière à réflexion aux quelques 300.000 travailleurs qui empruntent chaque jour le réseau souterrain de Montréal. Le travail sera disséqué sous divers modes : critique, ironique, mélancolique, explicatif, absurde, cocasse, poétique, métaphorique.
Les sous-thèmes traités seront également très divers, incluant par exemple la crise économique, le travail des migrants, la grève, la prostitution, le tourisme de masse et l’esclavage moderne. “Nous sommes devenus des esclaves consentants”, commente Frédéric Loury. “Aujourd’hui, nous acceptons de travailler à l’extérieur des heures qui nous sont proposées, nous emmenons notre téléphone, qui est un outil très pervers avec lequel nous continuons à être asservis, tout en étant totalement consentants. Cette dualité est très intéressante“. Le tout abordé avec recul par cette approche artistique communautaire. “Nous ne sommes pas donneurs de leçons, précise le directeur. Nous sommes plutôt dans un questionnement“.
Des commissaires et artistes français au sein d’une sélection internationale
Pour cette 10ème édition, le festival a invité deux commissaires qui ont sélectionné les artistes dans une approche universelle de la thématique : Pascale Beaudet, spécialiste de l’art public, et la Lyonnaise Emeline Rosendo, très impliquée dans le choix du thème du travail et plus particulièrement en charge de la photographie.
Dix Français figureront parmi les artistes sélectionnés. Dans son oeuvre “Lettres de non-motivation”, Julien Prévieux prend à contre-pied les standards imposés. Répondant réellement à des annonces, il en critique le libellé, explique pourquoi il serait incompétent ou supplie pour qu’on ne l’emploie pas. Philippe Vaz Coatelant présentera 50 hamacs suspendus à une hauteur inaccessible, en jouant sur les thèmes de la performance et de la paresse. Florent Lamouroux se fondra dans la notion fourre-tout de travailleur sous la forme de centaines de petits travailleurs bleu moulés à son image. None Futbol Club présentera un film performatif à la fois violent et poétique sur la résistance.
Parmi les oeuvres fortes présentées, il y aura notamment celle de l’Anglais Martin Parr de l’agence Magnum Photos, qui aborde le thème des vacances d’un oeil moqueur (voir notre photo de Une), de l’Italien Paolo Patrizi sur la prostitution nigériane en Italie (sujet risqué dans un espace public) et de la Mexicaine Dulce Pinzon représentant les ouvriers latino-américains de New York en super-héros.
Des visites et activités pour les familles, les gens pressés, et les autres
Avec “À la recherche de l’oeuvre perdue“, les 6-12 ans pourront faire une chasse aux trésors ludique en cherchant des indices dans les oeuvres du parcours qui feront appel à leur sens critique. Pour un plongeon artistique au milieu d’une journée de travail, le nouveau programme “Midi Express” et ses médiateurs vous permettront d’en apprendre plus sur les oeuvres exposées en quelques minutes (lieux et dates ici). Trois parcours thématiques seront proposés aux étudiants. Un audioguide sera mis à disposition du public gratuitement ici.
Pour en savoir plus sur les performances, rencontres d’artistes, visites commentées, l’ensemble des activités et sur la programmation détaillée, rendez-vous sur le site du Festival.
Hâte d’y être ? Vous pouvez d’ores et déjà aller à la Grande Bibliothèque qui a inauguré dès le 20 février l’exposition “Eclat de mémoire – Quand l’art retravaille le passé“, devenant ainsi cette année un nouveau lieu satellite du Festival à l’occasion du 50ème anniversaire de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Trois artistes y explorent les notions de travail et de mémoire à partir de documents faisant partie des collections patrimoniales de BAnQ.