Il manquerait quelque 51 000 places en garderie au Québec. Face à cette pénurie, due notamment au manque de personnel, les familles galèrent à Montréal. Témoignages de mères concernées, et leurs conseils pour s’organiser…
Un an après…
Céline était enceinte de 3 mois quand elle s’est inscrite sur laplace0-5.com, la plateforme unique d’accès aux places en service de garde au Québec. « J’ai beaucoup entendu parler du problème de pénuries alors je me suis dit que plus tôt je m’inscrivais, plus vite il y aurait une place pour mon fils », raconte la jeune maman de 30 ans. Près d’un an après son inscription, Céline n’a reçu aucun appel pour une place. Et ce n’est pas un cas isolé. « Certaines mamans sont sur liste d’attente depuis plus de 3 ans ! », s’étonne-t-elle.
Sans réponses de la part de laplace0-5.com, Céline s’est alors renseignée au travail de son conjoint, qui est ‘préposé aux bénéficiaires” (auxiliaire de santé). Le service de garde qui se trouve directement au CHUM n’a pas pu prendre leur inscription « Ils priorisent les employés, mais s’il reste des places lors des inscriptions, c’est ouvert aux parents à l’extérieur donc nous on s’est retrouvé le bec dans l’eau ! », raconte Céline. Elle a finalement eu trois rendez-vous grâce au site magarderie.com « C’est un processus vraiment très stressant. J’avais l’impression d’aller passer un entretien d’embauche », confie la secrétaire médicale.
Pour Chloé aussi, l’attente a été longue. C’est après 17 mois qu’elle a reçu un appel et qu’elle a pu trouver une place pour sa fille. Cependant, quelques mois après, la jeune maman étudiante à HEC a changé de quartier, un changement qui lui a fait peur notamment pour retrouver une place pour sa fille Zoé. « J’étais désespérée. Je me disais que si c’était aussi long que la première fois que je l’ai inscrite, j’allais me retrouver bloquée, je n’aurai plus pu travailler », raconte la mère monoparentale. Finalement, en moins de trois semaines, le tour était joué. « J’ai trouvé parce que j’ai favorisé les services de garde familiaux », conclut-elle.
De grandes disparités
Au-delà du manque de place, il y a aussi les prix qui varient considérablement. Il faut compter 8.5$ par journée pour une garderie subventionnée alors que les établissements non subventionnés peuvent monter jusqu’à 60$ par jour pour la garde d’un enfant. « La différence est parfois énorme entre deux garderies. Il faut vraiment avoir les moyens, et bien faire ses calculs. Quelqu’un au salaire minimum, c’est juste impossible » raconte Céline. Une partie du coût de la garderie est pris en charge par le gouvernement, selon les revenus du foyer. Malgré cela, les dépenses restent importantes.
Les différentes structures n’offrent pas non plus les mêmes avantages. « Certaines offrent les menus et les collations alors que d’autres n’incluent rien du tout », raconte Chloé. Même constat du côté de Céline qui hésite encore aujourd’hui entre deux garderies non subventionnées. « Parfois, ça coûte moins cher, mais au final, s’il faut préparer les repas chaque soir, fournir les collations, etc.. Ça vaut peut-être moins la peine », ajoute-t-elle. Les parents ont eu aussi leurs propres critères qui parfois réduisent les choix : nourriture biologique, garderie bilingue, nombre d’enfants par établissement, éloignement par rapport au domicile… « on veut le meilleur pour nos enfants, appuie Chloé, et c’est normal ».
Quelles solutions ?
Ces longues attentes et disparités s’expliquent notamment par un manque de main-d’œuvre important depuis plusieurs années. Un sujet qui attriste les éducatrices elles-mêmes comme en témoignent Natacha, Indra, Julie et Mylène. « Il faudrait que notre domaine soit beaucoup plus valorisé et qu’on nous donne des meilleures conditions de travail ! » s’accordent-elles.
Payées entre 16 et 25$ de l’heure, ces professionnelles de la petite enfance doivent chacune s’occuper de 10 enfants quand ceux-ci sont âgés de 4 à 5 ans. « C’est un métier essentiel, très exigeant et considéré comme du travail “invisible” dans nos sociétés. Il faudrait un salaire bien plus conséquent », constate Chloé. Elle pense aussi que les milieux de travail devraient de plus en plus développer leur propre système de garde. « Ce serait beaucoup plus simple, ça permettrait de centraliser les déplacements et même de manger avec son enfant le midi », conclut-elle.
Un mouvement citoyen « Ma place au travail » a envoyé à la fin du mois de mars une lettre à plusieurs députés provinciaux. Les parents impliqués déplorent les mesures insuffisantes dans le dernier budget. Ils proposent aussi plusieurs pistes de solution.
En début de semaine, le gouvernement fédéral devrait profiter de l’annonce du budget pour évoquer les services de garde. Le comité des finances des Communes avait recommandé 2 milliards de dollars pour commencer.