Seul à vélo, il a mis 112 jours pour traverser le continent nord-américain d’Est en Ouest avant de longer la Côte pacifique des États-Unis vers le Sud. Paul Lefort, 28 ans, est parti le 21 juillet de l’Islet-sur-Mer, au Québec, sans savoir exactement jusqu’où il irait. C’est finalement à San Diego, en Californie, que ce Français a achevé le 10 novembre un périple de 8000 kilomètres à vélo. Traversée des interminables prairies canadiennes, ascension des Rocheuses, camping, blessure à la jambe… Sur la route, le jeune cycliste est allé au bout de lui-même et a vécu des rencontres fortes. Quelques jours avant la fin de son voyage, French Morning l’a rencontré à Huntington Beach, en Californie.
Traverser l’Amérique du Nord en vélo, ce projet « un peu fou », Paul Lefort l’a mûri pendant longtemps. Originaire de Caen, en Normandie, le jeune homme pratique le vélo de route depuis 2014. Il a vécu une première aventure de « 2000 km en vélo et 2000 km en train » à travers la France quand il était étudiant. « Je me suis rendu compte que c’était un super moyen de voyager, s’enthousiasme-t-il. À vélo, tu ressens tout. La pluie, le vent, les odeurs, le relief… Tu peux parler aux gens sur la route. Il n’y a aucune barrière pour interagir avec son environnement, contrairement à la voiture où tu es dans ton cocon. »
Alors qu’il vit depuis quatre ans aux États-Unis où il travaille dans l’aérospatial, il rêve d’un autre grand voyage à vélo. « Depuis deux ans, je regardais les vidéos de cyclistes qui ont fait des grandes traversées, je faisais des listes de matériel idéal et des itinéraires, raconte-t-il. Début 2022, un des vélos que j’avais repéré était disponible. Je l’ai acheté. Tout à coup, ce projet est devenu concret. » Le Français se trouve alors au Québec, entre deux emplois, un visa de deux ans en poche. « J’ai saisi l’opportunité et je me suis lancé », poursuit-il.
Le jeune homme achète du matériel de camping, travaille pendant deux mois comme mécanicien-vélo pour apprendre à réparer les avaries et s’entraîne à pédaler avec son vélo chargé. En choisissant de traverser le continent d’Est en Ouest et non l’inverse, il se lance un défi supplémentaire : « Quand j’en parlais à d’autres cyclistes, ils me disaient : “Tu es fou, tu vas faire 5000 km avec le vent de face !» Pourtant, selon lui, pas besoin d’une préparation physique exceptionnelle pour entreprendre un tel voyage. « Au début, tu te réveilles, tu n’as pas envie de repartir, assure-t-il. Une fois que tu as passé ce cap, ça va. C’est une habitude à prendre. »
Il traverse des régions chargées d’Histoire – la route des navigateurs au Québec; l’ancienne route de la ruée vers l’or jusqu’à Vancouver – et des régions désertes. Il vit des moments de grâce – un regard échangé avec une jeune Amish au milieu des champs – et des moments de doute. En plein cœur des prairies canadiennes du Saskatchewan, de terribles crampes à la jambe l’obligent à s’arrêter pendant dix jours à Caronport, où un pasteur lui offre l’hospitalité. De belles rencontres, il en fait aussi grâce au site warmshower, qui lui permet de trouver le gîte et le couvert tout au long de sa route.
À travers ce projet, Paul Lefort souhaite aussi faire connaître l’association du syndrome de Kleine-Levin, « une maladie neurologique rare qui se traduit par des épisodes d’hypersomnie ». C’est le but de sa page Facebook, L’Amérique à vélo pour les patients de KLS, où il compte publier prochainement le récit de ses aventures.