C’est la coqueluche de Radio Canada. Ancien médecin universitaire en France à Georges Pompidou, Lariboisière puis Cochin, le docteur Michael Bensoussan n’a pas digéré le climat parisien “socialement très tendu“. Depuis qu’il s’est installé à Montréal il y a 8 ans avec “sa blonde” et ses enfants, il mène sa carrière à l’hôpital mais aussi à la radio et à la télévision. Rencontre avec un médecin qui n’a pas la langue dans sa poche.
Il nous reçoit entre deux patients dans le service bondé de consultations en gastro-entérologie de l’hôpital Charles-LeMoyne, à Longueuil. “J’ai une très haute idée de la France et je ne reconnais pas le pays dans lequel j’ai grandi“, confie d’entrée le gastro-entérologue. Né d’une mère d’origine polonaise et d’un père marocain, Michael Bensoussan a été élevé au sein de la communauté juive strasbourgeoise, à une époque où la Manif pour tous n’existait pas. “Quand je vois des gens qui manifestent contre les droits des homosexuels ou en entendre d’autres dire qu’ils ne sont pas Charlie, je me sens profondément l’âme d’un gars qui est parti juste à temps“, déclare le Français.
C’est après avoir vécu plusieurs années à Reims puis Paris que son envie d’ailleurs s’est manifestée. “Le Provincial que j’étais en a eu marre de Paris et des Parisiens. Cela faisait 9-10 ans que je vivais à Paris et je me voyais devenir un vrai Parisien : un mec blasé qui râle tout le temps pour tout ! Sur mon tee-shirt préféré était d’ailleurs marqué “I love rien, je suis parisien” ! Il y a une violence permanente dans les rapports entre les gens à Paris – qu’il n’y a pas forcément en province en France – qui était en train de me toucher”, analyse le Strasbourgeois.
2012 : l’année du déclic
Un collègue niçois expatrié à Montréal, le Dr Thibault Manière, lui vante alors la “qualité de vie extraordinaire” au Québec. Il observe ses amis quitter “Paris qui devient hostile avec plus d’un enfant” pour la banlieue, mais ce sont les attentats de 2012 qui vont le pousser à partir. “J’ai expliqué à mes enfants qu’il y aurait une minute de silence car des enfants ont été tués dans une école parce qu’ils étaient juifs“, se souvient-il. Son histoire personnelle de petit-fils de déporté remonte. “Je me suis dit : et si c’était le moment de partir pour aller mettre ma famille à l’abri ?”
Aujourd’hui, Michael Bensoussan est “très fier” de sa nationalité canadienne. “C’est le pays que j’ai choisi“, déclare le médecin qui dit avoir “gagné à 100%” ses objectifs en termes de bonheur, qualité de vie et sécurité. “Nous n’aurions jamais eu le quart de cette qualité de vie à Paris“, estime le père de quatre enfants. Sur le plan professionnel également, le médecin apprécie “un changement de culture très positif. Il n’y a pas cette hiérarchie extraordinairement pesante qu’il peut y avoir dans les hôpitaux universitaires français (…), ni la tradition médicale de l’humiliation que j’ai moi-même subie en tant qu’interne en France.”
Reste tout de même que la pénurie médicale et le temps d’attente aux urgences et pour consulter des spécialistes sont “très difficiles à assumer en tant que médecin“, déplore le Français. “Ici, c’est de la science-fiction, si tu vois ton dermato dans un délai d’un an c’est correct !” Des difficultés source de rancoeur envers la profession, selon le gastro-entérologue. “Aujourd’hui, je vois arriver un phénomène de “médecin bashing”, comme en France, et je le vis assez mal“, déclare le Français, néanmoins choyé avec un très beau salaire. “Je gagne trois fois plus que ce que je gagnais en France, mais je travaille comme un damné. Je ne me plains pas ! Mais pour vous donner une idée par exemple, aujourd’hui, je vois 38 patients en clinique et je fais 5 000 coloscopies par an (…). Je finis plus tôt mais c’est plus intense qu’en France.”
Chroniqueur radio
D’ailleurs, le gastro-entérologue devenu également chroniqueur se qualifie lui-même d'”hyperactif”. Après avoir crevé l’écran dans les deux premières saisons de la série documentaire “De Garde 24/7” tournées à l’hôpital Charles-LeMoyne pour Télé Québec, il passe à “Tout le monde en parle” puis enchaîne les chroniques santé à Radio Canada dans des émissions comme “Les Eclaireurs“, “Entrée principale“, “Tout un matin” ou “On va se se le dire” depuis septembre 2019 et sur les ondes de CKOI. “On me trouve bon vulgarisateur, donc on me tend des micros et c’est une super chance pour faire passer de beaux messages de santé publique“, commente le Strasbourgois dont le sens de la formule fait mouche. Mais pas seulement. “Je crois que mon accent français me donne bizarrement un petit je ne sais quoi intello et de crédibilité“, lance le médecin.
La trajectoire du gastro-entérologue star et de sa famille ne fait que commencer au Québec : “Je sais que je vais rester et mes enfants – qui sont déjà devenus très montréalais – aussi. On parlera de moi comme le grand-père qui a eu l’idée de quitter la France et de s’installer à Montréal.“