“Laissez place à l’enfant du siècle”, rappait Lord Esperanza à ses débuts. Après un passage réussi au Belmont en 2018, il revient à Montréal ce samedi 15 juin pour la 31ème édition des Francos. Lord Esperanza, “22 ans, jeune rappeur parisien” comme il se définit lui-même a sorti son premier album, “Drapeau Blanc” le 24 mai.
Son premier nom de scène, c’était Speranza. A 15 ans, il est très inspiré par le Robinson Crusoé de Vendredi ou la vie sauvage, sans “avoir conscience que cela représentait l’espoir”. Ce fan de Jacques Brel, Amy Winehouse, Mozart et MC Solaar choisit donc de prendre ce nom “poétique et romantique”. Plus tard, il ajoute Lord à son patronyme. Une manière de représenter “sa dualité” entre des chansons plus engagées, égotrip et son côté plus fragile et romantique.
Tout a commencé par de premiers poèmes, une courte nouvelle de science-fiction sur une invasion extra-terrestre et le groupe Sexion d’Assaut. “C’est par les mots, les verbes, les figures de style que je suis entré dans le rap”, explique-t-il.
Le rap, né dans les ghettos américains des années 1970, est aujourd’hui un genre musical largement démocratisé. Rap engagé, divertissant, conscient, triste : pour Lord Esperanza, “l’artiste doit dépeindre au mieux son époque”. Grâce à un “capital émotionnel plus fort”, le rappeur peut ‘‘vulgariser les émotions que chacun ressent’’. Désinformation, culture de l’égo et du chiffre… Le rôle de l’artiste serait donc de parler de thèmes de notre société, à son échelle et sans être trop moralisateur.
Pas rappeur ‘‘intello’’ pour autant. Inspiré par les idoles d’une époque qu’il n’a pas connu, Lord Esperanza mélange les genres et les inspirations, tout en utilisant ses références culturelles. ‘‘Je préfère laisser le soin à ceux qui m’écoutent de s’approprier mon style’’, déclare-t-il.
Lord Esperanza aime aller vite. Neuf projets en cinq ans, 52 morceaux publiés en 2017, des tournées sur plusieurs continents… Dans son premier album, il s’inspire de ses trois dernières années. ‘‘Ma vie a diamétralement changé. Le fruit de mon travail a petit à petit commencé à payer’’, explique-t-il. Il aborde ainsi des thèmes nouveaux : sa notoriété naissante, sa relation conflictuelle avec son père, sa crainte de l’avenir, l’écologie, cette nostalgie inexplicable qu’il éprouve. Comme il le dit lui-même, ‘‘cet album est une éponge de toutes mes émotions.’’
“Réveillez-vous!”, crie Lord Esperanza dans son titre “Le silence des élus”. “Plus d’envies, c’est nos pubs qui te les créent/Visage crispé peut plus quitter l’écran”, décrit-il dans ce monde peuplé “d’ours polaires squelettiques”.
C’est dans son passé que repose toute la complexité du rappeur parisien. Dans ses différents morceaux, sur des beats traps enflammés, il se qualifie ‘‘d’arrogant doué’’ et vante le fait de ne pas avoir ‘‘d’idoles, juste des concurrents’’. Tout cela ne serait pourtant qu’un masque, une carapace formée pour cacher son véritable visage. Au contraire, “Drapeau Blanc” est placé sous le signe de confessions à coeur ouvert, explique le jeune homme.
Sa notoriété ? Si on la qualifie souvent de fulgurante, il la trouve plutôt évolutive. ‘‘Dans un sens, ça me va très bien, même si parallèlement j’en veux plus. Ça représente bien le paradoxe de notre époque’’, conclut-il en riant. Avoir une image publique a également permis au jeune rappeur de ‘‘forger son identité’’. Même si ‘‘le plus dur reste à venir’’ selon lui.
Celui qu’on comparait à ses débuts à Nekfeu tend à diversifier ses activités. Déjà ‘‘ghostwriter’’, il prête sa plume à plusieurs figures du rap et de la chansons française. Afin de pouvoir ‘‘rester au plus près de ses valeurs musicales’’ tout en étant distribué chez Sony Columbia, Lord Esperanza a créé la label Paramour. ‘‘Un travail de l’ombre’’ qui lui permet de découvrir de nouvelles facettes de la musique et de produire d’autres jeunes rappeurs. ‘‘Être artiste, c’est être complet, pas juste chanter et rapper’’, prône celui qui, justement, considère encore son travail comme une ‘‘aventure, pas une carrière’’.
Pour la suite, Lord Esperanza va ‘‘sortir de sa zone de confort’’. Des projets hors du rap, qui ‘‘surprendront ceux qui [le] suivent’’, explique-t-il en riant. À suivre…