Programmée dans le cadre du festival Cinemania, en projection ce samedi et dimanche, la fiction de Ladj ji qui avait dérouté en mai dernier sur la Croisette (prix du Jury au dernier Festival de Cannes), est aussi candidat pour l’Oscar du meilleur film international.
Il n’est pas encore sorti en France mais fait déjà parler de lui. Les Misérables, premier long métrage de Ladj ji, est un film qui traite du racisme, de la misère, la pauvreté, et peut être aussi qui dérange. Un film coup de poing. Tournée en camera rapprochée, cette fiction plonge directement le spectateur dans les hall d’HLM mal entretenus, le désenchantement des jeunes, l’innocence de leurs petits frères et sœurs, le désarroi des adultes. Zoom sur un quotidien difficile et précaire. Chantage et dérapage, violence et humanité au menu de ce drame, qui reflète, derrière des aspects parfois caricaturaux, une certaine réalité française. « Toutes les histoires qui se passent dans le film sont arrivées à Ladj Ji ou à d’autres : le vol du lion, le drone qui filme les bagarres, la bavure… Ce sont des choses qui se sont passées et dont le film s’inspire », affirme Damien Bonnard, l’un des acteurs du film. « Il y a plein de choses positives qui se passent dans les quartiers mais il y a aussi des jeunes qui n’ont plus rien : pas de ciné, pas de concerts… Ce qui m’a intéressé dans le scénario, c’est comment ces jeunes et ces enfants avec peu d’horizon sont mêlés aux conneries des adultes, comment ils les subissent… »
Un acteur caméléon
Dans ce film, l’acteur de 41 ans vu pour la première fois dans un grand rôle dans Rester Vertical, et qui n’est qu’au début de sa carrière, joue un flic nouvellement arrivé dans la Bac (brigade anti-criminalité) et dont l’équipe, à cran, fait quotidiennement des tournées dans la cité en usant de comportements peu déontologiques. D’abord timide, discret, il est très rapidement aux prises avec sa propre conscience, personnelle et professionnelle : rester solidaire ou pas de ses co-équipiers ? Agir à l’instinct ? Suivre le leader de l’équipe ? Mettre un grand coup de pied dans toute cette organisation ? « Pour ce rôle, j’ai surtout beaucoup lu et regardé des vidéos de la police et des vidéos faites par les jeunes des quartiers aussi… J’ai réfléchi aux limites de la justice, là où commencent les droits des individus, là où s’arrêtent ceux des policiers. Tous les soirs, pendant le tournage, je relisais le code de déontologie de la police. »
Avec ce film, qui représentera la France aux Oscars, le comédien est peut-être à l’aube d’une nouvelle étape. « En vrai, je n’y pense pas, je ne réfléchis pas “plan de carrière”. Je me projette rarement. Il faut rester tranquille, concède-t-il en souriant. Je fais mes choix, je m’amuse à faire le caméléon. J’ai quitté l’école jeune parce que tout ce qu’on me proposait sans me le dire, c’était d’aller à l’usine. J’ai un peu forcé les portes là où elles étaient fermées. Et maintenant, je commence à co-écrire, je m’éclate à faire ça. »
Le film Les Misérables sort le 20 novembre en France, puis suivront les Oscars début 2020, et Damien Bonnard semble aborder les prochaines semaines sereinement et sans stress : « Déjà pour Cannes, on n’y croyait pas ; maintenant les Oscars… Tant mieux, ça nous fait plaisir, parce que ce film à quelque chose d’universel. Partout il y a de la violence, des populations isolées… Je regarde ce qui se passe au Québec, et le sort des populations autochtones pose question également. À un moment, il va falloir comprendre qu’on ne s’en sortira pas en s’opposant toujours les uns contre les autres. »