Le “pandemic blues” menace tout le monde. Mais pour les expatriés, ces interminables mois de Covid-19 ont parfois des allures de “double peine”. L’éloignement de sa famille et de ses proches pèse plus que jamais, avec des restrictions sanitaires, des vols moins fréquents et des incertitudes sur l’avenir. Dorian, Sarah, Laura et Mathieu nous livrent comment ils vivent cette deuxième vague.
Une 1ère vague de doute
Le confinement du mois de mars dernier a été un coup dur sur le quotidien de tous. Pour certains expatriés, c’est un moment qui a amené son lot de réflexion, notamment sur un possible retour en France. Sarah qui terminait son diplôme en danse un an auparavant a eu très peur pour son avenir professionnel et aurait préféré être auprès de sa famille, alors réunie. « Ils me manquaient terriblement, surtout sachant que mon frère qui vit au Québec depuis plus longtemps que moi s’est retrouvé chez mes parents pendant tout le confinement. Je me sentais très seule à Montréal alors qu’ils étaient tous ensemble. J’avais envie de rentrer, mais j’avais peur de ne pas pouvoir revenir par la suite », raconte la jeune femme de 23 ans.
Dorian, installé au Québec depuis un peu plus d’un, avoue s’être posé aussi la question même s’il a rapidement changé d’avis, trouvant que les conditions étaient plus agréables au Canada. « À quoi bon rentrer en France si on ne peut même pas marcher seul dans la rue sans attestation écrite sous peine d’une contravention. C’est vrai que j’ai parfois eu envie d’être géographiquement proche de ma famille et amis, mais la gestion de la crise par le gouvernement français m’a coupé cette envie », se rappelle-t-il.
Mathieu quant à lui n’a pas pensé rentrer du tout. Analyste programmeur en réassurance et jeune propriétaire qui vit au Québec depuis plus de 10 ans, retourner en France ne lui a pas traversé l’esprit même s’il confesse que sa réponse aurait été sûrement différente si un de ses proches était tombé malade.
Resserrer les liens
Paradoxalement, la fermeture des frontières a parfois rapproché ces Français du Québec de leur famille au pays. Ils racontent avoir communiqué davantage, comme Sarah par exemple qui contactait sa famille chaque jour pour prendre des nouvelles.
Dorian a même crée de nouveaux liens et resserré ceux qui existaient déjà : « La crise nous a rapprochés. J’en ai aussi profité pour reprendre contact avec des vieux amis, en France et ailleurs. Ça a été l’occasion de prendre des nouvelles et même de commencer de nouvelles amitiés à distance », se rappelle le designer originaire du Languedoc Roussillon.
Laura, jeune enseignante de français langue seconde, a plutôt apprécié ce temps de pause où il était plus facile de communiquer. Elle a trouvé un réel soutien auprès de sa famille pendant cette période trouble.
Confinement, Episode 2
Les nouvelles fermetures annoncées à la fin du mois de septembre ont beaucoup déçu les expatriés qui avaient retrouvé un semblant de vie normale durant l’été. La plupart d’entre eux comparent les décisions gouvernementales de la Belle province et de l’Hexagone et se voient affectés moralement par un si gros recul en arrière. Mathieu par exemple avoue avoir eu du mal à accepter la nécessité de tout fermer alors qu’en France, les activités ont pu -pendant quelques semaines de plus- continuer. C’est avec plus de « détachement » que Dorian vit cette deuxième vague. Il dit miser davantage sur « le bon sens de chacun » et essaye de retrouver une vie assez normale.
Laura trouve cette deuxième vague plus difficile moralement, notamment le fait que les cafés, restaurants et espaces de travail extérieur soient de nouveau fermés. Même si elle vit bien le fait d’être restée ici, elle espère aussi, comme tous les autres, pouvoir revoir bientôt sa famille. « Ne pas savoir si les frontières vont rouvrir et si nos proches vont pouvoir venir nous voir, ça commence à être très compliqué à gérer », confie-t-elle
« Ma vie est ici »
Malgré les incertitudes qui planent, les expatriés avouent tous vouloir continuer leur vie ici et ne remettent aucunement en question leur installation au Québec. La seule raison qui pourrait faire rentrer Dorian serait administrative, car il se trouve actuellement en statut implicite « sans certitude d’avoir le visa au bout de course ». Même inquiétude du côté de Laura qui trouve les conditions d’immigration du gouvernement québécois de plus en plus strictes. « Ça pourrait remettre en question mes projets sur le long terme… ».
Sarah quant à elle, a pu reprendre une formation professionnelle en danse avec la compagnie Nyata Nyata et peut la poursuivre, même avec les dernières mesures sanitaires. Elle se sent très chanceuse d’une telle opportunité. « Je suis venue au Québec pour danser », se motive-t-elle.
Mathieu qui a récemment investi dans une maison, a plein de projets de rénovation en tête, pandémie ou non. De plus, il est nouvellement employé dans son domaine et souhaite acquérir davantage d’expérience : « Ma vie est ici, conclut-il. Je ne me revois pas refaire ma vie en France ».