Depuis le 22 février, tout voyageur arrivant par voie aérienne au Canada doit s’isoler trois jours dans un hôtel agréé par le gouvernement, à ses frais, en attendant les résultats d’un test PCR. Témoignages de Français ayant vécu l’expérience.
Après l’annonce du 29 janvier par Justin Trudeau de la quarantaine forcée à l’hôtel pour les voyageurs arrivant par voie aérienne dans l’un des quatre aéroports (Montréal, Toronto, Calgary et Vancouver), la confusion a duré plusieurs semaines. Quelques jours avant le 22 février, date d’entrée en vigueur de la mesure, les lignes téléphoniques mises en place par le gouvernement, seul moyen alors de réserver les hôtels pour la quarantaine, ont été complètement saturée. L’agacement a laissé place à l’indignation suscitée par la mesure. Emma devait arriver à Montréal le 13 mars, mais elle s’est préoccupée de préparer sa quarantaine dès la mise en place de la mesure. Depuis la France, elle a dû attendre « plus de trois heures au téléphone pour réserver l’hôtel », les personnes voyageant dans les 48h étant prioritaires. Une perte de temps, mais aussi d’argent pour la jeune femme : « j’étais déjà à 20 euros d’hors forfait à cause de l’attente. Alors, j’ai essayé la méthode forte, j’ai appuyé sur le bouton qui indique que nous avons un vol dans les 48 h ! Là, il s’est encore écoulé 15 minutes sans que personne ne réponde… J’ai donc abandonné par peur d’avoir une facture téléphonique trop salée ». Sur les conseils d’un membre d’un groupe Facebook d’entraide, elle a commandé une carte SIM Free pour appeler à l’international sans surtaxes, puisque lors de la première semaine, aucun autre moyen de réservation n’était accepté. « Et au vu des prix des nuitées l’hôtel, je pense qu’on se rue tous sur les hôtels les moins coûteux ! », souligne-t-elle.
Alors que le gouvernement annonçait que les frais à engager seraient d’au moins 2000$, il semblerait qu’il y ait des alternatives moins chères. Dès la publication de la liste des hôtels agréés le 22 février, la plupart des hôtels proposaient des tarifs entre 200 et 400$ par nuit, incluant les repas et les tests à effectuer, du moins pour la région de Montréal. Puis, début mars, d’autres hôtels ont pu proposer leur candidature et s’ajouter à la liste des établissements reconnus par le gouvernement, une concurrence qui a naturellement fait baisser les prix.
Finalement, Emma a réservé sur internet au Ramada Plaza pour sept nuits pour 670$. La jeune femme arrive un samedi et a lu des témoignages indiquant que les trois nuits pourraient ne pas être suffisantes pour avoir les résultats du test PCR requis. « Je ne veux pas avoir de mauvaises surprises et être déplacée dans un hôtel plus coûteux si jamais celui-là était complet, alors j’ai visé large ! ». Mais à l’arrivée à l’aéroport à Montréal, l’étudiante qui foulait pour la première fois le sol canadien, permis d’étude en poche, a eu une mauvaise surprise. Comme pour six autres personnes du vol, l’hôtel n’a pas pris en compte sa réservation sur Internet comme plan de quarantaine, elle doit alors rappeler l’hôtel pour le préciser. La note grimpe en flèche : 1180$ pour trois nuits, incluant repas, test PCR et taxi. “Moi qui avait réservé 7 jours, alors qu’il était préconisé 5, je n’ai réservé que trois jours. Financièrement, je ne peux pas faire plus“, explique-t-elle, espérant que ses résultats arriveront à temps.
Si, en effet, certains voyageurs arrivant le weekend ont attendu les résultats de leur test plus longtemps que prévu, Marion, elle, les a obtenus en moins de 24h. Elle a payé 890$ tout inclus, c’est-à-dire l’hôtel, mais aussi les tests, les repas et le transport au Days Inn., « l’un des hôtels les moins chers ». Selon elle, les prix varient entre 850 et 1300$ tout inclus selon l’établissement, des tarifs consultables sur le site du gouvernement.
Lisa entretient une relation à distance avec son compagnon depuis dix-huit mois. Ils se sont rencontrés à 17 ans et se sont retrouvés récemment grâce à Internet. Le couple projette vite de vivre ensemble, mais la pandémie leur a infligé de longues périodes de séparation. Cette musicienne a fait valoir auprès du Canada le droit d’être reconnue comme « famille élargie », mais voyager depuis la France avec les « motifs impérieux » n’a pas été évident. Les motifs évoqués étaient « famille » et « santé », avec attestation de son médecin, prouvant que la situation était éprouvante psychologiquement pour la quinquagénaire. Malgré les justificatifs avérés, et le test PCR en bonne et due forme, l’expérience à l’aéroport s’avère stressante : « c’était quitte ou double lors de mon passage à la Police des Frontières. Car c’est bien la personne de la police qui juge de la recevabilité du motif que l’on lui présente ».
À l’arrivée à Montréal, elle doit produire les documents nécessaires à l’autorisation d’entrer au Canada : passeport, autorisation de l’IRCC (exemption en tant que membre de la famille élargie), copie du passeport de son compagnon, preuve de sa réservation d’hôtel, et surtout l’inscription à l’application ArriveCAN. Puis, un autre agent la questionne plus longuement, avant de l’envoyer faire un test PCR à l’aéroport, dans « la clinique » la zone où doit s’effectuer le test. « Je me suis faite rappeler par d’autres agents, car il faut s’inscrire par internet ou par téléphone pour donner ses coordonnées et prendre rendez-vous ! », raconte-t-elle. Arrivée à l’hôtel Crownplazza (l’un des plus plébiscité), la chambre attribuée est « spacieuse et confortable ». Elle doit alors s’inscrire sur un site pour effectuer un test de contrôle le dixième jour de la quatorzaine. « Plus agréable, il me faut aussi donner mon choix des repas qui me seront livrés trois fois par jour durant mon séjour à l’hôtel. On me demande de le faire pour 3 jours, même si en général le résultat du test arrive en moins de 24h. »
Le premier repas commandé (du saumon), s’est fait attendre longtemps. « J’ai attendu 3h30, puis j’ai réussi à joindre le restaurant. Il paraît que le saumon avait été livré ! Personne ne savait où il est passé …Comme le restaurant était fermé, j’ai eu une salade en lot de consolation que j’ai dévorée, affamée, mais sans couverts ». Les mésaventures de Lisa ne s’arrêtent pas là : impossible de faire couler l’eau de la douche, et la personne envoyée par la réception (masquée, gantée, avec des lunettes en Plexiglass) hésite à pénétrer dans la chambre pour intervenir, pour des raisons « sanitaires ». Finalement, les résultats de Lisa arriveront en moins de 10h. Elle peut alors continuer sa quarantaine chez son compagnon, mais « pas de remboursement possible si le séjour est écourté… ». Les 1075 $ payés d’avance incluaient 3 nuits et trois repas par jour. “En fait, je n’ai passé qu’une nuit et n’ai consommé que 2 repas plus 1 petit déjeuner…”, regrette-t-elle.
Pour Emma aussi, l’expérience est désagréable. Si la chambre est propre dans l’ensemble, “l’état de la salle de bain est tout autre, il y a des poils et cheveux partout“, mentionne-t-elle. “Et le nécessaire de literie vraiment faible, nous avons qu’un drap et une toute petite couette, j’ai eu froid toute la nuit“.
Si le Canada maintient pour le moment sa quarantaine forcée à l’hôtel, elle est contestée par plusieurs groupe de défense des droits constitutionnels, notamment la Canada Constitution Fondation. Pour les Français du Canada, la situation s’éclaircit peu à peu : de l’autre côté de l’Atlantique, le Conseil d’État Français vient de lever, vendredi 12 mars, l’obligation de motifs impérieux pour les Français rentrant de l’étranger. Cette fois-ci, Lisa n’aura pas besoin de justificatifs pour reprendre l’avion : juste d’un test PCR.