Venu.e.s à Montréal pour y faire carrière dans la danse, ils et elles doivent faire face à la crise sans précédent que traverse le milieu de la culture.
Raphaëlle Renucci est interprète en danse contemporaine. Expatriée au Québec depuis 2015, elle a su faire sa place et a travaillé sur divers projets, notamment avec le groupe Kolinga, la compagnie Voix ou encore avec le Cirque du Soleil. Au début de l’année 2020, elle a intégré la compagnie Sursaut. Et la pandémie est arrivée. « Tout s’est arrêté. Je ne savais même plus si je voulais continuer à danser. Heureusement, avec la compagnie, on gardait contact, on se tenait au courant au fur et à mesure, mais on n’était jamais sûr de reprendre. C’était très difficile à vivre », se remémore la jeune femme.
« Je devais danser pour le festival MUTEK et aussi collaborer avec l’ensemble Volte. Finalement, tout a été annulé alors j’ai décidé d’aller en France tout l’été pour m’entrainer et suivre des stages de danse. J’ai cherché la danse là où elle était », raconte-t-elle.
C’est finalement en septembre que la compagnie Sursaut reprend le cours de ses créations. Même si les diffusions ont été décalées à l’année 2021, les interprètes de la compagnie continuent à travailler. « Même avec les dernières annonces, on peut continuer à travailler puisqu’il s’agit de répétitions. Je me sens vraiment chanceuse », explique la jeune danseuse.
Afin d’assurer ses arrières, la danseuse a aussi décidé de se former en yoga et en coach sportif durant ces derniers mois. « Ça m’a fait réaliser qu’il fallait que j’aie autre chose. Juste au cas où. Je vais toujours danser, mais en ce moment, je t’avoue que je ne suis pas sereine. Je m’attends à tout, tout le temps. Je vis le moment présent et ne cherche pas vraiment d’autres contrats ou opportunités en danse. », conclut Raphaëlle.
Pour Louis-Elyan Martin, la nouvelle fermeture des lieux culturels a été un vrai coup de poignard dans le dos. Interprète en danse contemporaine depuis 2011, il a travaillé avec de grandes compagnies comme O’Vertigo, Alan Lake Factory, Louise Bédard ou encore Le Carré des Lombes. En 2019, il a dansé trois premières à Montréal et fait des tournées au Québec. 2020 s’annonçait comme l’année des tournées internationale : France, Mexique, Bulgarie, le danseur de 36 ans devait parcourir le monde à travers son art.
« D’un coup, à mon retour de Cuba, le 12 mars, tout s’est arrêté. Je n’avais plus de travail et même pas la possibilité de toucher au chômage puisque je suis travailleur autonome. Ça a été une grosse période de stress. Avec l’arrivée de la PCU, j’étais soulagé. Le gouvernement était là pour nous aider », se souvient Louis-Elyan.
Le déconfinement progressif lui a permis de retrouver peu à peu quelques contrats, notamment la présentation de sa pièce Canto Ostinato un peu partout à Montréal, en extérieur cet été. Il devait ensuite danser pour une autre compagnie jusqu’au mois de novembre. « Il y a vraiment très peu d’opportunités de travail en ce moment. Les compagnies n’osent pas vraiment retourner en création parce que travailler en groupe est devenu risqué et que les dates de diffusion s’annulent les unes après les autres », se désole l’artiste.
Afin de garantir une certaine stabilité financière, Louis-Elyan a accepté un contrat d’enseignant à la commission scolaire Marguerite Bourgeois en tant que professeur d’art dramatique et il ne regrette pas du tout sa décision, car il est peu optimiste pour la suite.
« Je suis certain que les 28 jours vont se transformer en 6 mois. Finalement, toutes les tournées que j’avais sont reportées non pas en 2021, mais en 2022 ! Il ne me reste qu’un contrat à l’été 2021… si tout se passe bien d’ici là ». D’après lui, de telles mesures « musèlent » l’art vivant. Il ne voit pas vraiment comment les milieux culturels vont pouvoir s’adapter à nouveau et remonter à la surface.
« L’annonce, c’est vraiment une incompréhension. Il y a aucune preuve qui a été mise en avant que les salles de spectacles, les cinémas ou les musées présentent un risque au niveau de la santé », estime le danseur.
L’aide de 50 millions de dollars annoncée par le gouvernement Legault ne semble pas non plus satisfaire le jeune interprète. « C’est une bonne chose, je ne crache pas dessus, mais on parle seulement des billets de spectacle. Et les artistes dans tout ça ? On pense aux infrastructures, mais pas aux gens en bas de l’échelle. L’argent ne se rendra jamais jusqu’à nous, à moins qu’il y ait des contrôles vraiment sévères », argumente-t-il.