Garderies familiales, centre de la petite enfance (CPE), crèches bilingues… Cela n’aura pas échappé aux piétons de Montréal. À chaque coin de rue se trouvent des structures de garde destinées aux jeunes enfants et pour cause : ici, l’école n’est obligatoire qu’à partir de 6 ans. Pourquoi ? C’est notre question bête de la semaine, avec le psychologue Egide Royer, spécialiste de la réussite scolaire, reconnu au niveau international.
“Bonne question ! Cela remonte à la nuit des temps”, confie en souriant le professeur-chercheur à la faculté des sciences de l’éducation de Laval. “Dans les années quarante, le Québec accusait un sérieux retard dans la scolarisation des enfants. C’est à cette époque-là que l’école a été rendue obligatoire pour les enfants âgés de 6 à 16 ans. Puis graduellement, des classes maternelles mi-temps sont apparues. Si ses parents le désiraient, l’enfant n’y allait que par demie journée, et passait l’autre demie journée dans sa famille ou en garderie. Dans les années soixante-dix, le concept de classe maternelle à temps plein est apparu. “
Mais ces fameuses classes maternelles, que le premier ministre du Québec François Legault souhaite d’ailleurs généraliser d’ici cinq ans, n’existent pas dans toutes les écoles, et ne sont même pas obligatoires. D’autant qu’à leur naissance, il y a vingt ans, les CPE ont quadrillé le plan de la ville et semblent satisfaire un grand nombre de familles. “Dans l’imaginaire québécois, scolariser son enfant à 4 ou 5 ans, c’est le priver d’une partie de son enfance. C’est quelque chose d’assez culturel, les parents se disent que leurs enfants sont encore trop petits pour cesser de jouer et pour rentrer dans un dispositif d’apprentissage”, poursuit le spécialiste, qui souligne que la pédagogie en classe maternelle est basée sur le jeu. “L’apprentissage des lettres, des sons comme des chiffres passe par le jeu et c’est un âge où les enfants sont très réceptifs. ”
Actuellement donc, certaines écoles publiques de la ville de Montréal disposent de maternelles 4 ans, souvent dans des secteurs défavorisés de la ville. Il existe par contre, en plus grand nombre, des maternelles 5 ans, une sorte de mise en bouche vers le primaire qui permet aux enfants de se familiariser avec l’univers scolaire. Généralement, les horaires sont plus souples qu’en primaire.
Même si le gouvernement Legault concrétise son projet, l’école ne sera pas rendue obligatoire à 4 ans. “Mais les familles pourront choisir. Elles décideront de scolariser ou non leurs enfants à 4 ans “, reprend Egide Royer, qui, comme l’ordre des psychologues du Québec, plaide en ce sens, et cité régulièrement le cas de l’école ontarienne qui reçoit les bouts de choux de 4 ans. “L’école idéale serait certainement un mélange du cas de l’Ontario et des CPE québécois, une transition progressive des CPE vers la classe 4 ans. S’il manque d’espace dans les écoles, pourquoi ne pas imaginer que des enseignants interviennent dans les CPE ?”. Le débat est lancé.
Quant aux Français qui s’apprêtent à scolariser leurs progénitures à l’école québécoise, il est bon de connaître une subtilité de taille avec le système scolaire du Mammouth français : au Québec, l’année scolaire n’est pas calquée sur le calendrier civil, mais se déroule de septembre à septembre. Ainsi, un enfant québécois qui soufflerait ses cinq bougies en novembre ne pourra prétendre à une place en maternelle 5 ans que l’année suivante. Une dérogation est accordée aux enfants français nés entre octobre et décembre s’ils ont été scolarisés auparavant en France (et sur présentation du dossier scolaire auprès des autorités), mais pas forcément pour les élèves plus âgés. Enfin, un adolescent de la fin d’année et ayant suivi une cinquième en France se retrouverait scolarisé au Québec en secondaire 2… Mieux vaut le savoir.