Ils sont nombreux chaque année à débarquer au Québec dans l’espoir de travailler dans un studio de cette plaque tournante de l’industrie du jeu vidéo. Et si le secteur connait quelques turbulences, le rêve perdure…
« Je rêve de travailler chez Ubisoft Montréal depuis mes 14 ans », confie Théo Ferrenbach. Aujourd’hui programmeur outil dans l’entreprise, il avait décidé d’immigrer au Québec avant même la fin de son master en informatique. Pour d’autres, cette carrière n’a pas été aussi évidente, comme Angéla Goulène, qui a bifurqué du cinéma d’animation au jeu vidéo, ou Joseph, référé par un ami chez Ubisoft. Quelle que soit leur trajectoire, de nombreux Français viennent chaque année grossir les rangs des studios de jeu vidéo québécois. « Il y a même des studios indie qui ont été fondés par des Français installés au Québec depuis plusieurs années », indique le directeur principal, Communications et Opérations de La Guilde du jeu vidéo, Émilien Roscanu.
Théo Ferrenbach a choisi Ubisoft Montréal, car il a été attiré par « le regroupement de créativité et de talents » que constitue son entreprise. « Il y a des talents de partout, c’est un bon endroit pour évoluer et pour apprendre » explique-t-il. Il s’y projette d’ailleurs encore plusieurs années, notamment pour devenir programmeur généraliste. Joseph, lui, garde un moins bon souvenir de son passage dans le studio emblématique qui a essuyé plusieurs scandales pendant ces dernières années. Bien qu’il ait « aimé l’équipe et le job en lui-même », il a aujourd’hui quitté l’entreprise, et l’industrie. « C’est plus l’expérience avec la hiérarchie et l’organisation qui a été compliquée, que l’équipe et le quotidien » explique-t-il.
Si les studios AAA font rêver, ils ne sont pas la seule avenue possible dans le monde vidéoludique. « La scène indie est une très bonne école pour commencer en jeu vidéo », conseille M. Roscanu. Ils permettent, notamment, de profiter d’un cadre moins hiérarchique qui permet davantage de créativité dans sa pratique.
D’autres compatriotes français choisissent, eux, le chemin de l’entrepreneuriat, comme Angéla Goulène. Déjà à la tête d’Hannagie Production, la scénariste et productrice de séries et de courts métrages développe actuellement un projet de jeu vidéo. « J’espère que mon projet va recevoir des financements pour pouvoir travailler dessus », explique-t-elle, tout en étant déjà en contact avec un éditeur.
Bien que l’industrie du jeu vidéo fasse rêver, les récentes vagues de licenciement ont toutefois de quoi refroidir les aspirants candidats. Joseph, par exemple, n’envisage pas de postuler à nouveau dans le secteur avant quelques temps. « Je ne vais pas prendre le risque d’aller dans un job sans savoir s’il va y avoir d’autres licenciements », explique-t-il. Mais, si « [les studios] licencient car ils ont trop embauché pendant la pandémie, il y a quand même quelques embauches » indique Angéla Goulène.
« On observe un ralentissement mondial dans l’industrie du jeu vidéo, mais le Québec est relativement épargné car l’industrie y est résiliente, avec des studios indépendants très forts », tempère Émilien Roscanu. Il précise qu’entre 500 et 600 postes restent affichés en tout temps, ce qui représente encore de bonnes perspectives. « On anticipe que ça va s’accélérer d’ici la fin de l’année et en 2025 », ajoute-t-il.
Par ailleurs, certains profils restent plus prisés que d’autres, ce qui se ressent particulièrement quand les embauches sont au ralenti. M. Roscanu explique, en effet, que si « les places pour des stages ou des postes d’entrée sont plus rares », « les profils avec une ou deux premières expériences vont avoir moins de difficultés [à trouver un poste] ».
Pour celles et ceux qui aspirent à un jour se faire embaucher dans l’industrie, M. Roscanu conseille de cultiver son réseau. Il est possible de le faire avant même d’avoir traversé l’Atlantique. « Les évènements internationaux comme le Gamescon à Cologne, ou ADDON à Rennes sont de bons endroits pour rencontrer des studios québécois », affirme M. Roscanu.
Une fois au Québec, le réseau peut d’autant plus s’élargir. « Ce qu’on remarque beaucoup pour les personnes qui immigrent, c’est qu’elles ne s’attendent pas à ce que les gens soient aussi accessibles, ajoute-t-il. On peut ajouter des gens sur LinkedIn, leur demander de se rencontrer. Ils sont plus accessibles qu’on le pense. » De plus, les aspirants candidats peuvent participer aux nombreux évènements en rapport avec le jeu vidéo qui ont lieu dans la province, comme le Sommet international du jeu de Montréal (MIGS) ou les soirées de réseautage, dont certaines sont réservées aux personnes en début de carrière.
Participer à des game jam constitue également un bon moyen de se faire connaître, tout en créant des jeux et des outils par soi-même. « Il faut expérimenter le plus possible, être curieux des nouvelles technologies », explique Théo Ferrenbach, qui a fait valoir sa connaissance de la réalité augmentée lors de ses entretiens d’embauche.
Si, malgré tout cela, trouver un poste dans la conception de jeu vidéo se révèle difficile, M. Roscanu évoque le métier de testeur. Ce chemin moins classique peut, en effet, constituer une bonne porte d’entrée dans le secteur.
Immigrer pour travailler en jeu vidéo Bien qu’il soit de plus en plus difficile d’immigrer au Québec, aucun statut d’immigration ne constitue normalement un frein à l’embauche dans un studio. Certains gros studios disposent d’ailleurs d’une équipe dont le rôle est de faciliter les démarches des employés. Ainsi, Ubisoft propose d’accompagner ses employés et leurs familles dans leur processus d’immigration et de relocalisation jusqu’à l’obtention de leur résidence permanente. |