La grande histoire d’amour-haine entre les expatriés et le tour du poteau tire à sa fin. Cette tactique originale, qui facilitait considérablement les renouvellements de visa, sera bientôt interdite au Canada. Depuis la réélection de Donald Trump, le gouvernement fédéral met les bouchées doubles pour renforcer sa collaboration avec les États-Unis. Et cette pratique, qui menait de nombreux immigrants aux bureaux de douanes, a été jugée trop encombrante. On vous explique.
Quand un expatrié français raconte à ses amis québécois qu’il vient de faire le tour du poteau, cela suscite presque toujours la même réaction : des yeux écarquillés et une pointe d’étonnement. Pourquoi sortir du Canada pour y rentrer aussitôt ? Depuis des années, cette méthode permet chaque jour à des immigrants de contourner de longs processus administratifs.
L’astuce consiste à se rendre à un poste frontalier terrestre pour officiellement quitter le pays, sans pour autant entrer aux États-Unis, et revenir immédiatement afin de demander un renouvellement ou une modification de visa directement aux agents des douanes canadiennes. Cette procédure éclair est une aubaine pour éviter les attentes souvent longues des demandes en ligne ou par courrier.
Cette pratique bien connue dans la communauté immigrée offre aussi une certaine flexibilité : elle permet de réactiver des visas ou de voyager sans rester bloqué au Canada en statut implicite, une situation qui oblige à attendre le nouveau permis sans quitter le territoire.
Mais le gouvernement fédéral vient de sonner son glas.
Donald Trump sera de nouveau au pouvoir le mois prochain, et le gouvernement canadien tente de mettre de nouveaux moyens pour préparer les nouvelles relations avec les États-Unis. Fin novembre, le président américain élu a affirmé son intention d’imposer des tarifs douaniers de 25% sur les produits canadiens. Il explique sa décision par un désir de protéger les États-Unis des crises liées aux opioïdes et à l’immigration.
Le fédéral et les provinces et territoires craignent le pire pour l’économie du pays. Pour tenter de dissuader Donald Trump, le gouvernement Trudeau a pris la décision d’accroître la sécurité à la frontière canado-américaine. Il investira 1,3 milliard de dollars sur six ans pour accroître la surveillance à la frontière canado-américaine.
Les équipes d’inspections seront bientôt renforcées dans les ports, aux frontières terrestres et dans les airs. Avec ce Plan Frontalier, le gouvernement fédéral souhaite notamment accroître la lutte contre l’entrée de Fentanyl (une drogue de plus en plus destructrice) et outiller davantage les forces de l’ordre. Mais dans cette stratégie, il s’agit aussi de réduire les passages jugés non essentiels, comme ceux des immigrants utilisant le tour du poteau pour accélérer leurs démarches de visa.
« Cette pratique utilise des ressources importantes aux frontières, détourne l’attention des agents des activités de contrôle et ralentit le trafic transfrontalier », peut-on lire dans un communiqué officiel du gouvernement.
Depuis l’été, un rendez-vous préalable était déjà requis pour faire le tour du poteau. Cette première mesure visait à limiter l’encombrement des agences des services frontaliers. Aujourd’hui, Ottawa va encore plus loin et interdit complètement cette pratique.
Les détails de cette mesure restent à venir. Le plan chiffré a été dévoilé, mais pas encore l’échéancier. Mais une chose est sûre : le tour du poteau appartiendra bientôt au passé. Il n’est déjà plus possible de prendre de rendez-vous pour obtenir le service à la frontière.
La fin du tour du poteau n’a pas pour objectif de compliquer la vie des immigrants, mais plutôt de décharger les agents des services frontaliers.
Une solution alternative pourrait éventuellement voir le jour dans le futur, mais pour l’instant, il faudra s’en tenir aux démarches traditionnelles, en ligne et par courrier. Selon Nadia Barrou, avocate en immigration, le gouvernement Trudeau prévoit « de créer des points de service à proximité des grands centres urbains afin que les détenteurs de visa puissent demander leur renouvellement en personne, sans quitter le Canada ».