Elles sont vertes, blanches, grises, noires, etc. Petites ou volumineuses, faites de culs de poule, de poivriers, de boîtiers d’aspirateurs, de plaques électroniques, de moules à gâteau ou d’autres accessoires détournés de leur usage, telles des boîtes cache-mouchoirs ! Bienvenue dans l’univers d’Emmanuel Cognée qui habille, depuis quinze ans, les plafonds des boutiques, théâtres, lieux publics et appartements de Montréal avec ses luminaires, véritables sculptures toutes plus originales les unes que les autres.
L’artiste qui se cache derrière ces créations est un Français né près d’Angers, arrivé à Montréal il y a tout juste trente ans. « C’était le 15 août 1989 ! » et à l’époque, s’il est un habitué des ampoules, il les utilise surtout dans les salles obscures, en régie. Intermittent du spectacle, ce Franco-Québécois (il possède la nationalité canadienne depuis 1995) travaille pour de multiples compagnies théâtrales, part souvent en tournée, développe une certaine sensibilité pour les effets de lumière et la notion de volume. Son œil scrute l’équilibre d’un espace (une scène le plus souvent) et y perçoit toutes les subtilités qu’apportent un objet bien placé, ou un éclairage bien pensé. Mais durant ses premières années de vie québécoise, ce papa de deux enfants n’a pas encore en tête de devenir artiste lampiste…
Une lampe faite maison pour un anniversaire
Déformation professionnelle ou non, Emmanuel Cognée a su se fondre dans le décor, « se faire petit et ne pas la ramener », mais aussi saisir toutes les opportunités. En 1995, il décide de se former à la céramique à l’école Bonsecours de Montréal dont il sortira diplômé et avec de nouvelles compétences et connaissances. Sans véritable plan précis, il sait juste qu’un jour, ce bagage lui sera utile. Quelques temps plus tard, il offre à une amie une lampe qu’il fabrique lui-même à partir d’objets de récupération. « Ce qui m’intéressait, c’était de créer un objet. J’ai senti un intérêt pour ce cadeau ; les autres invités regardaient cette lampe et semblaient l’aimer. Ça m’a donné confiance. »
Et soudain, une lumineuse idée : en 2000, Emmanuel Cognée lance Lampi Lampa (un nom trouvé par sa fille). Depuis toujours touche à touche, adepte des fripes et marchés aux puces, et quoiqu’il en dise, doté d’une certaine fibre artistique, l’artisan mélange les genres pour inventer des luminaires qui racontent des histoires, ou créent une atmosphère particulière. À Montréal, l’une de ses plus surprenantes créations est visible à la bibliothèque Marc Favreau, mais aussi au restaurant Kitchenette, au théâtre de Quat’sous, dans les boutiques Trip de Bouffe, les Chocolats de Chloé… À Paris, sa signature a trouvé refuge au bistro Le Renaissance notamment.
Lampi Lampa brille aussi en Europe
Depuis maintenant quinze ans, cet enfant du Maine-et-Loire alterne entre ses deux métiers. Toujours régisseur, il débute le 10 septembre une collaboration au Musées des Beaux-Arts pour une nouvelle exposition mais surtout, il a été retenu pour disposer ses créations lors d’une soirée de prestige, le grand bal des donateurs du MBAM. En parallèle, il travaille sur divers projets : le prochain grand chantier se situe outre Atlantique pour concevoir les luminaires d’un théâtre en Belgique.
De nouveaux horizons s’ouvrent pour Lampi Lampa et pour son fondateur. « Je suis assez persuadé que si j’étais resté en France, Lampi Lampa n’aurait jamais vu le jour. J’étais un élève assez mauvais, j’ai arrêté tôt l’école, affirme l’artiste lampiste. Mais ici, il y a bien des choses qu’on peut faire. Ce projet, c’est aussi une rencontre avec moi-même. J’ai découvert des choses de moi que j’ignorais totalement. » Et notamment qu’il avait du talent !