La décision de fermeture des frontières annoncée vendredi par Jean Castex a surpris, y-compris parmi ceux chargés de la mettre en oeuvre… Du coup, la journée de samedi a été marquée par une série de réunions et débats de cabinets. Alors qu’elle entrait en vigueur ce dimanche matin à 0h00 heure locale, les consultations se sont poursuivies jusque tard dans la soirée de samedi.
“Le principal problème, résume un membre de l’entourage du Premier ministre, sous condition d’anonymat, c’est celui de la constitutionnalité d’une interdiction d’entrée sur le territoire pour les ressortissants. C’est une liberté fondamentale et il faut être prudent sur la façon dont on le limite, sous peine d’être censuré par le juge”. Les mêmes débats avaient eu lieu en mars dernier lors de la première fermeture des frontières aux voyageurs en provenance des Etats-Unis. Après avoir d’abord envisagé une fermeture généralisée, le gouvernement avait dû faire une exception pour les ressortissants français (entre autres).
Outre les questions juridiques, “il était aussi crucial de ne pas se retrouver avec des gens coincés loin de chez eux”, explique Roland Lescure, député des Français de l’étranger (circonscription Amérique du Nord), qui a participé ce samedi à une réunion sur le sujet avec l’exécutif. “J’ai insisté sur le fait que les gens devaient être autorisés à rentrer chez eux, en tout cas ceux qui étaient partis avant le 31 janvier, dit-il. Pour les autres, le message est clair: on ne bouge pas. Le but est évidemment d’essayer de limiter au maximum la circulation des nouveaux variants dont on voit les dégâts qu’ils font dans certains pays”.
Après une journée de débats et de consultations juridiques, Matignon a donc finalement défini les conditions d’applications de cette fermeture des frontières. Le principe de la fermeture des frontières extérieures à l’Union européenne (dans les deux sens) est bien confirmé, et les exceptions suivantes sont admises:
1/ Retour en France: Les ressortissants français (et ceux de l’Union européenne) qui rentrent en France sont admis sur le territoire, à condition qu’ils y aient leur “résidence principale” (sur présentation d’un justificatif, dont le détail n’est pas donné par le texte) et qu’ils aient quitté le territoire avant le 31 janvier 2021 (les allers-retours sont donc interdits à partir de maintenant, sauf pour les motifs ci-dessous). Il n’est pas précisé qu’elle est la définition de “résidence principale”. Il faudra également présenter le billet d’avion aller montrant que le voyage a été commencé avant le 31 janvier.
2/ Motif médical impérieux: une urgence médicale vitale. Une personne peut également accompagner le patient si cela est nécessaire. Un certificat médical est exigé.
3/ Motif familial impérieux: décès d’un proche en ligne direct; garde d’enfant pour les parents séparés; assistance à un proche âgé; convocation par une autorité judiciaire ou administrative; impossibilité légale ou économique de rester sur le territoire sur lequel se trouve la personne (pièces justificatives: titre de séjour expirant, lettre de licenciement, etc…); protection de l’enfance et lutte contre les déplacements illicites d’enfants à l’étranger, protection des victimes de violence intrafamiliales.
4/ Motif professionnel impérieux: il faut que la présence de la personne concernée soit indispensable à l’activité (“Missions indispensables à la poursuite d’une activité économique, requérant une présence sur place qui ne peut être différée et dont le report ou l’annulation aurait des conséquences manifestement disproportionnées ou serait impossible”). Une attestation de l’employeur sera suffisante, ou, pour les professionnels du transport international, la carte professionnelle. D’autres cas spécifiques sont prévus, comme celui des professionnels de santé, des diplomates et autres personnes ayant une mission “liée à l’exercice de prérogatives de puissance publique” ou encore celui des sportifs professionnels.
5/ Les étudiants rejoignant leur lieu d’étude: par exemple ceux partant faire un semestre à l’étranger. Il faut présenter un certificat de scolarité de l’établissement.
L’attestation à remplir est disponible ici.
Pour ce qui est de la sortie du territoire, également en principe interdite, les mêmes exemptions pour “motifs impérieux” sont prévues. Curieusement, le cas des personnes du retour à la résidence principale (notamment pour les Français expatriés qui se trouveraient en France provisoirement) n’est pas mentionné. Mais la liste est seulement indicative et le retour au domicile semble bien faire partie des motifs impérieux y-compris pour la sortie de France. Il faut également remplir une attestation spécifique, disponible ici.
Le responsabilité du contrôle de ces mesures incombe aux compagnies aériennes, c’est donc avant d’embarquer qu’il faudra produire les documents justifiant une éventuelle exemption.
Même si vous êtes autorisés à passer la frontière, il vous faudra présenter un test PCR négatif. Déjà obligatoire en provenance des Etats-Unis depuis l’été, il est désormais étendu à tous les pays, y-compris l’Union européenne, à l’exception des travailleurs frontaliers. Il faut par ailleurs s’engager sur l’honneur à s’isoler pendant 7 jours à l’arrivée en France.
Si elles devraient permettre d’éviter aux Français partis pour un court séjour de se retrouver coincés loin de chez eux, ces exceptions vont compliquer la vie de certains. C’est le cas de Delphine Robert. Cette Française vit depuis une an entre Lyon, où se trouve une de ses filles, scolarisée en prépa, et Houston où se trouvent son mari et son autre fille, scolarisée en lycée. A l’annonce de Jean Castex, elle s’est précipitée pour prendre un billet le 30 janvier -et faire le test préalable obligatoire- pour rentrer à Lyon avant la fermeture. « J’ai le sentiment que l’on paye la facture de ceux qui continuent à vivre égoïstement, dit-elle L’irresponsabilité de certains nous entraîne à subir de plus en plus de restrictions et je ne suis pas sûre que cela soit à terme productif. C’est une situation intolérable et injuste pour les Français vivant à l’étranger », ajoute t-elle tout en espérant que cette mesure ne soit que provisoire.